Athénée Théâtre Louis-Jouvet

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saison 2016/2017

  • À bientôt • D'hier à aujourd'hui




    Patrice Martinet, le directeur de l’Athénée Théâtre Louis-Jouvet, vient de recevoir un prix.



    (c) Mirco Magliocca

     
     
    Personnellement, je voulais lui décerner le prix de la plus belle interprétation du professeur Bergamotte dans Les Sept Boules de cristal, mais je n’ai pas été entendue : l’association professionnelle de la critique, qui est composée de critiques professionnels en théâtre, danse et musique, vient de lui accorder le prix de la « personnalité musicale de l’année » pour « la richesse et la diversité de sa programmation musicale ».

    Jean-Philippe Desrousseaux a été de son côté récompensé comme « meilleur créateur d’éléments scéniques » pour son Pierrot Lunaire avec marionettes programmé à l’Athénée en mars dernier. Vous pouvez trouver l’intégralité du palmarès ici.

    Il faut dire que l’Athénée a pris depuis quelques années un virage musical ambitieux à base de résidence d’un orchestre inconnu dirigé par un trublion de 25 ans à Converse (on sait ce que le Balcon et Maxime Pascal sont devenus depuis), d’opéras baroques ou bouffes rarement joués ailleurs, de créations contemporaines ou de musiques électroniques.

    Cette saison 2016-2017 fut donc celle de la réouverture après travaux par une recréation de la Symphonie fantastique de Berlioz par le jeune compositeur Arthur Lavandier, de la création de l’opéra contemporain Je suis un homme ridicule de Sébastien Gaxie d’après Dostoïevski, d’une version en vidéo live, peinture et théâtre d’objets de La Petite Renarde rusée de Janacek par Louise Moaty, d’un Pierrot Lunaire pour marionnettes par Jean-Philippe Desrousseaux, de la poursuite des lundis musicaux ou encore d’un imposant Dracula de Pierre Henry par Le Balcon en point d’orgue il y a trois semaines.

    On y aura aussi vu Philippe Caubère et Clémence Massart, Toni Servillo, Adriana Asti, la troupe des Brigands, une trilogie des éléments pour voix et machine ou encore un opéra à suspense et un autre inspiré de Pierre Loti.


    La saison 2017-2018 comptera six spectacles dramatiques, cinq spectacles musicaux et trois opéras, soit onze créations sur les quinze spectacles programmés.
    Vous y retrouverez des créations du Balcon, des Brigands et de Philippe Caubère, les lundis musicaux ou encore une reprise de La Cantatrice chauve mise en scène par Jean-Luc Lagarce (avec les mêmes comédiens qu’à la création en 1991 !).
    Vous y verrez aussi Fanny Ardant, Denis Lavant, un festival colombien, une comédie musicale de Chostakovitch, une redécouverte de Carmen, deux spectacles d’Alfredo Arias, un « opéra des cités », un tout nouvel orchestre nommé Les Apaches, une création par la jeune compagnie Phosphore, du Sade ou encore le compositeur contemporain Michaël Levinas.


    L’abonnement vous permet de bénéficier de 50% de réduction dès cinq spectacles. La vente des places à l’unité sera ouverte à partir du 4 septembre.

    Le blog prend quant à lui ses congés estivaux avant de revenir en septembre pour sa DIXIÈME SAISON (youhouuuuuu !). Merci de votre fidélité et bel été à tous.
     
    Clémence Hérout

  • Sur le balcon avec Le Balcon • Entretien




    Ce soir et demain à 20 h, c’est le dernier spectacle de la saison ! Le Balcon interprète Dracula de Pierre Henry et Déserts d’Edgard Varèse.

    À 19 h, on fumait une cigarette sur le balcon avec le chef d’orchestre du Balcon donc, Maxime Pascal (euh, non Papa, je te jure, y a que Maxime qui fumait !).

    On a parlé de Pierre Henry, qui n’a peut-être pas la reconnaissance qu’il mérite, mais aussi du besoin de hurler des insultes à un concert qui nous déplaît, ou encore du lieu préféré de Maxime à l’Athénée (spoiler : ce n’est pas le local de l’imprimante).

    Si vous ne voyez pas la vidéo, vous pouvez aller la voir sur YouTube : https://youtu.be/KEkLebaj9-k
     
     
     
    Bon concert à tous ce soir ou demain et, en prévision de la saison prochaine : ABONNEZ-VOUS !!!
     
    Bon week-end
     
    Clémence Hérout

  • "Connards ! Merde ! C'est une honte !" • D'hier à aujourd'hui




    Vous connaissez Pierre Henry. Il a une tête de tragédien grec de mauvaise humeur
     
    (c) Anne Selders
     
    (ne lui en voulez pas : s’il souriait, il ressemblerait au père noël), mais surtout sa musique a beaucoup été utilisée dans la culture populaire. À tout hasard, sa Messe pour le temps présent, qui a été chorégraphiée par Maurice Béjart, et qu’on a entendue partout ensuite :
     
    Si vous ne voyez pas la vidéo, elle est ici sur YouTube : https://www.youtube.com/watch?v=7K4RuQDxUaI
     
     
    Né en 1927, il étudie la musique avec Pierre Boulez et Nadia Boulanger au Conservatoire national supérieur de musique. Pianiste et percussionniste, il commence rapidement à « préparer » des pianos, c’est-à-dire à y placer des objets pour en altérer le son, mais aussi à fabriquer ses instruments.

    Il n’a même pas trente ans lorsqu’il commence à proposer des œuvres où se mêlent la musique électronique, les voix, les instruments et les sons du quotidien captés avec un micro — il se constitue d’ailleurs un dictionnaire des sons, qu’il qualifie de « dictionnaire de Babel ».

    Il dirige également lui-même la diffusion de ses œuvres dans l’espace des salles de concert, assimilant les haut-parleurs à des musiciens. Il commence une collaboration avec le chorégraphe Maurice Béjart en 1955, et transforme également ses concerts en spectacle : en 1967, il donne par exemple un « concert couché » où il régit le son dans un ring de boxe, entouré du public allongé sur des matelas.

    Préférant travailler des sons plutôt que des notes, ses concerts sont des théâtres sonores, qu’il considère comme une cérémonie dont il dirige tous les aspects. Ses œuvres sont données à la fois dans des lieux de musique contemporaine et des salles de concert comme l’Olympia. Il est considéré comme le père du sampling et du remix, et comme un inspirateur de beaucoup de musiques électroniques.
    Il n’a pas cependant pas toujours eu une grande reconnaissance du milieu musical académique — et d’ailleurs, il n’a été bénéficiaire d’aides publiques qu’à partir de 1982 alors qu’il a commencé sa carrière en 1951.

    Orchestre sonorisé proposant des concerts spatialisés, Le Balcon ne pouvait pas passer à côté de lui. Demain, il donnera ainsi Dracula à l'Athénée, composé par Pierre Henry en 2002 à partir de la tétralogie de Wagner, spatialisé et orchestré par Othman Louati et Augustin Muller.

    Un avant-goût ici : 

    La vidéo est là sur YouTube : https://www.youtube.com/watch?v=P1-e9jUw2A8
     
     
     
    Il sera précédé par Déserts d’Edgard Varèse (1883-1965), une œuvre mixte composée dans les années 1950 pour une vingtaine d’instrumentistes (dont cinq percussionnistes jouant quarante-sept instruments à percussion) et des bandes magnétiques.
    Sa création au théâtre des Champs-Élysées en 1954 avait donné lieu à l’un des plus grands scandales musicaux du 20e siècle, dont l’on peut entendre une petite partie grâce à l’INA (ici)

    Il est également raconté par Julien Mathieu dans son article (publié sur Cairn) Un mythe fondateur de la musique contemporaine : le « scandale » provoqué en 1954 par la création de Déserts d’Edgard Varèse, dont je vous propose quelques extraits :

    « L’orchestre commence à jouer. […] peu à peu, quelques bavardages épars se font entendre. Un rire fuse alors qu’un son sourd de scie circulaire sort des haut-parleurs, puis quelques sifflets, discrets, se font entendre. […] C’est alors qu’un homme hurle : "À l’asile !", tandis que d’autres insultes, issues manifestement de bouches différentes, fusent : "Bande de salauds !", "C’est un scandale !", "Décadence !". Des "chut" répétés ramènent péniblement le calme alors que l’orchestre succède aux sons synthétiques. […] un homme crie : "Arrêtez, quoi !" .
     
    Un brouhaha s’ensuit, des gens s’insultent ("connards !", "merde !", "c’est une honte !"), certains crient, quelques timides vagues d’applaudissements tentent de submerger le tumulte puis tout se calme un peu […]. certains membres de l’auditoire tentent d’imiter les sons étranges qu’ils entendent en les assimilant à des cris d’animaux : l’un caquète, l’autre siffle pendant qu’un dernier aboie, le tout agrémenté de rires féroces.
    Le scandale s’installe alors : un auditeur s’exclame, par exemple : "Pendez-le !", beaucoup s’invectivent, discutent ferme de l’utilité d’écouter une telle musique. […]
     
    Enfin, lorsque les sons agressifs de la troisième interpolation résonnent dans les haut-parleurs, ce sont des cris, des hurlements, des applaudissements qui, au fur et à mesure, couvrent presque la bande magnétique, jusqu’au retour de l’orchestre (qu’on entend à peine) et l’achèvement de l’œuvre, salué par un mélange "apocalyptique" (selon le terme de Iannis Xenakis) de sons humains tendant soit vers l’injure, soit vers l’ovation quelque peu forcée ».


    Du coup, j’ai hâte de savoir ce que vous ferez demain : Dracula et Déserts se joueront demain et samedi à 20 h, et c’est le dernier spectacle de la saison !
     
     
    Clémence Hérout

  • La musique pour l'éternité (mais du 1 au 3 juin) • Pleins feux





     
     

  • L'Athénée ne promet rien • Coulisses




    Hier soir, c’était la présentation de saison 2017-2018 de l’Athénée Théâtre Louis-Jouvet : il a été question de patins à roulette, de pyrotechnie, de Fanny Ardant et de coup de théâtre (mais on ne vous dira pas lequel).

    Après la présentation de saison réalisée par le directeur du théâtre, Patrice Martinet, l’ensemble Le Balcon a donné un concert rassemblant des oeuvres de Pierre Boulez et Olivier Messiaen mises en vidéo par Nieto.

    Vous pouvez avoir un aperçu de la soirée ici (ou ci-dessous si la vidéo apparaît chez vous), retrouver toutes les vidéos diffusées en direct , réécouter toute l'intervention de Patrice Martinet par ici, et bien sûr découvrir notre saison 2017-2018 sur notre site !


    La vidéo est en ligne sur YouTube.
     
     
    Nous espérons vous accueillir vendredi pour le dernier concert de la saison, Dracula par Le Balcon.

    Bonne semaine à tous !
     
    Clémence Hérout

  • Fuir la vie importune • Pleins feux




    Ce soir, c’est le dernier lundi musical de la saison à l’Athénée !

    Le ténor Damien Bigourdan (que vous avez vu à l’Athénée en metteur en scène du Balcon, mais aussi en chanteur dans Ariadne auf Naxos ou Les Chevaliers de la table ronde) ainsi que la soprano Élise Chauvin (aussi vue à l’Athénée dans Le Balcon, Avenida de Los Incas 3518 ou Ariadne auf Naxos) seront accompagnés du pianiste Alphonse Cemin (qui est le directeur artistique des lundis musicaux et que vous avez tellement vu à l’Athénée que je n’ose même plus tout citer) pour plusieurs mélodies du compositeur français Henri Duparc, décédé en 1933.

    Henri Duparc a composé dix-sept mélodies pour piano et voix, sur des poèmes de Sully-Prudhomme, Théophile Gautier, Thomas Moore, François Coppée ou Charles Baudelaire. Vous les entendrez presque toutes ce soir, ainsi qu’un morceau pour piano seul intitulé Feuilles volantes.

    Chanson triste fut la première mélodie de Henri Duparc, et c’est elle qui donne son nom au récital de ce soir. Composée en 1868, son texte est de Jean Lahor :
     
     
     
    « Dans ton cœur dort un clair de lune, 
    Un doux clair de lune d'été, 
    Et pour fuir la vie importune, 
    Je me noierai dans ta clarté.

    J'oublierai les douleurs passées, 
    Mon amour, quand tu berceras 
    Mon triste cœur et mes pensées 
    Dans le calme aimant de tes bras. 

    Tu prendras ma tête malade, 
    Oh ! Quelquefois, sur tes genoux, 
    Et lui diras une ballade 
    Qui semblera parler de nous ; 
    Et dans tes yeux pleins de tristesse, 
    Dans tes yeux alors je boirai 
    Tant de baisers et de tendresses 
    Que peut-être je guérirai. »

     

    Vous entendrez aussi L’Invitation au voyage de Charles Baudelaire, que vous connaissez sans doute (« Là, tout n'est qu'ordre et beauté / Luxe, calme et volupté. »), ou encore Théophile Gautier, qui a inspiré Henri Duparc pour trois de ses mélodies :
     
    « Au pays où se fait la guerre
    Mon bel ami s'en est allé.
    Il semble à mon coeur désolé
    Qu'il ne reste que moi sur terre.

    En partant au baiser d'adieu,
    Il m'a pris mon âme à ma bouche...
    Qui le tient si longtemps, mon Dieu?

    Voilà le soleil qui se couche,
    Et moi toute seule en ma tour
    J'attends encore son retour.

    Les pigeons sur le toit roucoulent,
    Roucoulent amoureusement,
    Avec un son triste et charmant;
    Les eaux sous les grands saules coulent...

    Je me sens tout près de pleurer,
    Mon coeur comme un lys plein s'épanche,
    Et je n'ose plus espérer,
    Voici briller la lune blanche,
    Et moi toute seule en ma tour
    J'attends encore son retour...

    Quelqu'un monte à grands pas la rampe...
    Serait-ce lui, mon doux amant?
    Ce n'est pas lui, mais seulement
    Mon petit page avec ma lampe...

    Vents du soir, volez, dites-lui
    Qu'il est ma pensée et mon rêve,
    Toute ma joie et mon ennui.

    Voici que l'aurore se lève,
    Et moi toute seule en ma tour
    J'attends encore son retour. »
     
     
    Citons enfin Soupir, de René-François Sully-Prudhomme :
     
    Ne jamais la voir ni l’entendre,
    Ne jamais tout haut la nommer,
    Mais, fidèle, toujours l'attendre,
    Toujours l'aimer.

    Ouvrir les bras et, las d'attendre,
    Sur le néant les refermer,
    Mais encor, toujours les lui tendre,
    Toujours l'aimer.

    Ah ! Ne pouvoir que les lui tendre,
    Et dans les pleurs se consumer,
    Mais ces pleurs toujours les répandre,
    Toujours l'aimer.

    Ne jamais la voir ni l'entendre,
    Ne jamais tout haut la nommer,
    Mais d'un amour toujours plus tendre
    Toujours l’aimer. »
     
     
     
    Je vous souhaite un lundi plein d’amour !
     
    Clémence Hérout

  • Sombres héros • Coulisses





     
     
     
     
     
     

  • Chercher le garçon • Pleins feux




    Après les deux spectacles Ismène et Phèdre, la trilogie des éléments continue avec Ajax, qui commence demain ! Nous avions vu que si c’était le compositeur Georges Aperghis qui avait écrit la musique d’Ismène, l’interprète et co-conceptrice du spectacle Marianne Pousseur avait finalement décidé de prendre en charge la musique de Phèdre et Ajax.
     

    (c)  Marco Sallese
     
     
     
    Enrico Bagnoli, qui a conçu la trilogie avec Marianne Pousseur en créant également la mise en scène et les lumières, m’expliquait ce matin qu’il leur avait paru impossible d’imaginer la suite de la trilogie sans musique :

    « notre théâtre est un théâtre où les disciplines se rencontrent : musique, texte et arts plastiques. Cela n’aurait pas eu de sens de renoncer à une possibilité d’expression, d’autant que Marianne Pousseur se situe entre la parole et le chant, ce qui fait d’elle une interprète unique.
    Lorsque Georges Aperghis a indiqué qu’il ne souhaitait pas continuer après le premier volet, nous avons pensé que c’était une bonne chose, car cela nous évitait de risquer de copier Ismène. Nous avons rencontré d’excellents compositeurs, mais qui souhaitaient tous que nous leur proposions un livret sur lequel ils composeraient un opéra que nous mettrions en scène. Ce n’est pas du tout notre méthode, qui est au contraire celle de l’expérimentation totale, sans hiérarchie dans le temps ou entre les disciplines.
    C’est le plateau qui décide. Notre façon de travailler consiste à accumuler du matériel dramatique susceptible de créer une émotion avant de faire notre choix pour parvenir à une alchimie rare. Nous ne pouvions pas du tout imaginer un projet où l’on nous livrerait une partition à mettre en scène en deux mois. Nous avons toujours réclamé du temps, de la recherche. »
     
     

    (c) Marco Sallese
     
     
    Pendant la première d’Ismène, les spectateurs à côté de moi se sont retournés : et pour cause, car on avait parfois l’impression que le son provenait soudainement de derrière.
    Marianne Pousseur, Enrico Bagnoli et le spécialiste du son Diederik de Cock ont en effet créé un univers sonore diffusé par des haut-parleurs placés partout dans la salle.
    Pour Enrico Bagnoli, que le spectateur soit entouré par le son constituait en effet « la base. Certains haut-parleurs sont même posés au milieu sur la scène pour que le public ait l’impression que le son sort de Marianne. Le système sonore permet de passer de la parole au chant et d’exprimer une gamme d’expressions allant du chuchotement au cri.

    Pour Phèdre ou Ajax, Marianne Pousseur est seule, mais entourée de machines célibataires, qui font du son. Cela pourrait être bizarre d’avoir un opéra sans orchestre, mais il y a du son tout le temps, produit par une machine ou par Marianne directement (il y a sa voix bien sûr, mais aussi le reste de son corps : lorsqu’on entend du vent dans Ajax, c’est en fait le souffle de Marianne). Pour la cohérence du projet, il y a Marianne, et rien d’autre. »

     

    (c) Anthony Malamatenios 
     
     
    C’est ainsi que Marianne Pousseur se retrouve donc à interpréter un personnage masculin : après Ismène et Phèdre, Enrico Bagnoli et Marianne Pousseur avaient peur d’une redondance en optant pour un troisième personnage féminin.

    « Nous avons donc choisi de chercher la partie féminine d’Ajax : nous sommes persuadés qu’il existe une partie masculine et une partie féminine en chacun de nous, qui ne sont pas toujours acceptées. Celui qui ne se retrouve pas dans le schéma est souvent mis à l’écart : toute cette séparation entre le masculin et le féminin est d’origine sociale… Yannis Ritsos, qui est l’auteur du texte, pose aussi la question du militarisme : c’est un sujet important dans notre époque : la violence est-elle liée à cette opposition du masculin et du féminin ?
     
    Cette vision du féminin dans Ajax est très importante, d’autant qu’il opère un changement complet de réflexion : il déclare ainsi que "ce n’est qu’en perdant tout que j’ai compris les choses". C’est en assumant une partie de lui qu’il avait toujours en lui qu’il comprend tout. Son rôle dans la société n’est plus possible mais, là où Phèdre s’en allait en rage, il s’en va en paix ».
     
    Ajax commence demain et se joue jusqu’à samedi !
     
     
    Clémence Hérout

  • Ça c'est Phèdre ! • Entretien





     
     
     

  • Inventer la musique • Pleins feux




    Après Ismène qui s’est terminée samedi, La Trilogie des Éléments de Marianne Pousseur et Enrico Bagnoli continue avec Phèdre, le deuxième spectacle qui commence demain.

    Si la musique d’Ismène a été écrite par le compositeur contemporain Georges Aperghis, celle de Phèdre a été composée par Marianne Pousseur elle-même. Chanteuse lyrique, actrice et metteure en scène, Marianne Pousseur n’en est pas exactement à sa première œuvre musicale.

    Elle m’expliquait ce matin avoir déjà composé « plusieurs petites choses », car elle faisait du jazz : « dans les groupes de jazz, tout le monde compose, avec une plus grande nonchalance que dans le milieu classique ».
    En tant que chanteuse, Marianne Pousseur interprète surtout du répertoire contemporain, où la manière de travailler est souvent différente du répertoire plus classique : « ma créativité y a souvent été mise à contribution. Georges Aperghis a par exemple fait appel à ma part créative dans la partition d’Ismène. »


     Michel Boermans
     
     
    Après Ismène, Marianne Pousseur et Enrico Bagnoli ont en tête de collaborer avec un compositeur différent pour chaque volet de la trilogie composée sur des poèmes de Yannis Ritsos.
    Ils rencontrent « plusieurs compositeurs merveilleux », mais ont rapidement le sentiment que « ça allait coincer, en terme de méthodologie notamment ». Marianne Pousseur et Enrico Bagnoli répètent en effet chaque spectacle pendant un à deux ans par plusieurs sessions de quelques semaines et testent beaucoup de choses différentes : cela rend la collaboration avec un compositeur extérieur plus difficile.
    Marianne Pousseur réalise que « la démarche de composition n’était pas si irréalisable dans le fond, et pouvait être conduite avec modestie. »

    Composer la musique constitue même une aide pour Marianne Pousseur : « j’avais du mal avec le personnage de Phèdre, qui était dur. Composer la musique m’a permis de l’appréhender d’une autre manière qu’à travers le texte. Je dirais qu'inventer la musique m’a rapproché du personnage ».

     

     Michel Boermans
     
     
    La première question que Marianne Pousseur s’est posée dans son travail d’écriture de la musique est celle de la langue : dans quelle langue Phèdre chante-t-elle ? Si Yannis Ritsos écrit en grec, Phèdre est crétoise et non grecque, donc étrangère. Parce que Phèdre est considérée par Hippolyte comme impure, Marianne Pousseur opte pour « une langue impure, une sorte de créole avec beaucoup de langues mélangées ». Elle part donc de la sonorité de cette langue, d’autant qu’il est dit qu’Hippolyte enfant « avalait les voyelles ».
    À partir de ce point de départ, Marianne Pousseur et Enrico Bagnoli multiplient les allers-retours entre la partition et le plateau : la question de la séparation entre la composition et l’interprétation ne s’est ainsi pas vraiment posée, la partition évoluant au fil des répétitions.

    Marianne Pousseur mène également de nombreuses recherches sur sa propre voix : « Phèdre parlant des fractures qu’elle ressent à l’intérieur d’elle-même, j’ai aussi exploré les fractures de ma voix ». C’est particulièrement « le désir que Phèdre éprouve pour Hippolyte et qui la met dans une situation impossible » que Marianne Pousseur cherche à exprimer dans la musique du spectacle : « plus exactement, son désir et la douleur qu’il engendre, car il ne reçoit aucune réponse ».
     

     Michel Boermans
     

    Pour Ajax, le dernier volet de la Trilogie qui commencera la semaine prochaine, la musique écrite par Marianne Pousseur répond à deux perspectives : « d’un côté l’apprentissage de la communication et de la transmission par la voix, et de l’autre le cheminement vers l’apaisement ».

    Rendez-vous demain pour Phèdre, le deuxième volet de La Trilogie des Éléments ! Ajax se jouera ensuite du 17 au 20 mai. 

    Jeudi, j’aurai le plaisir d’animer une rencontre entre les spectateurs et l’équipe du spectacle : rendez-vous au foyer-bar après la représentation, vers 21 h 15.


    Bonne soirée.


    Clémence Hérout


  • La culture adoucit les mœurs • Entretien




    Ce soir, pour beaucoup d’entre vous, c’est le débat de l’entre-deux-tours, que l’Athénée rediffusera dans son foyer-bar. Mais avant, à 19h30, c’est surtout la première d’Ismène !

    Ismène est le premier volet de la Trilogie des Éléments, composée de trois spectacles : Ismène, Phèdre et Ajax, qui se joueront jusqu’au 20 mai à l’Athénée.

    Juste avant la première, j’ai discuté avec Marianne Pousseur, qui interprète et a conçu les spectacles. Nous avons parlé de la genèse de la Trilogie, de sa première impression en découvrant l’Athénée et de ce qu’elle allait faire d’ici la représentation.

     
     
    Si vous ne voyez pas la vidéo, n’hésitez pas à cliquer là : https://youtu.be/qXYahJmCRh0
     
     
    Bonne soirée à tous.
     
    Clémence Hérout

  • Le théâtre est politique • Perspective




    Demain commence La Trilogie des Éléments, composée de trois spectacles musicaux : Ismène, Phèdre et Ajax.

    Les textes des trois spectacles sont de Yannis Ritsos, un poète grec décédé en 1990 et emprisonné à de nombreuses reprises pour opposition politique dans la Grèce de la dictature du régime du 4 août (1936-1941), de la guerre civile (1946-1949) puis de la dictature des colonels (1967-1974).

    La musique d’Ismène, le spectacle qui commence demain soir à 19 h 30, a été composée par Georges Aperghis. Né en 1945 à Athènes, il vit à Paris depuis 1963.

    Autodidacte, il se consacre au théâtre musical avec la création d’un atelier théâtre et musique (d’abord à Bagnolet puis à Nanterre) : sa première grande œuvre, La tragique Histoire du nécromancien Hiéronimo et de son miroir, a été créée au Festival d’Avignon en 1971 et entremêle étroitement musique, texte et mise en scène.

    S’il compose à la fois du théâtre musical, des opéras, des pièces pour instruments seuls, des œuvres vocales et de la musique orchestrale, son œuvre se caractérise surtout par son ouverture à toutes les disciplines artistiques. Son travail provoque ainsi la rencontre de musiciens, chanteurs, danseurs, plasticiens, comédiens et même de robots.

    Le langage est essentiel dans ses compositions, qui utilisent les mots à la fois comme un matériau et une structure, en laissant parfois leur signification de côté. Scénique par essence, son œuvre se crée parfois directement sur le plateau en répétition, comme ce fut le cas pour Sextuor en 1992 ou Commentaires en 1996.

    « Au début, la majeure partie de mon travail consiste pour moi à éviter les clichés et les lieux communs », déclarait-il dans un entretien avec Nicolas Donin et Jean-François Trubert paru dans la revue Genesis. C’est ce que vous pourrez découvrir demain dans Ismène, conçu par Marianne Pousseur et Enrico Bagnoli.

    N’hésitez pas à lire également l’excellente notice que l’IRCAM a consacrée à Georges Aperghis et qui a fortement inspiré cet article.

    Exceptionnellement, l’horaire de la représentation a été avancé à 19 h 30 au lieu de 20 h. Ceux et celles qui le souhaitent pourront rester après la représentation au bar du théâtre, où sera diffusé le débat entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen. Le bar restera bien sûr ouvert au cas où vous auriez besoin de noyer votre désespoir dans l’alcool.

    À demain !
     
    Clémence Hérout

  • Marins perdus •





     
     

  • Le jour est gris • D'hier à aujourd'hui




    Résumé de l’épisode précédent :

    Nous sommes sur une île minuscule au nord de l’Écosse en décembre 1900. Le gardien de phare Joseph Moore est de retour après deux semaines de congé pour relever l’un de ses trois collègues restés sur l’île. Son approche à bord du bateau chargé du ravitaillement est retardée par une tempête. À leur arrivée, non seulement le phare est éteint, mais le quai n’a pas été préparé pour l’amarrage et aucun gardien ne sort malgré les sirènes déclenchées par le bateau.


    Une petite embarcation est mise à la mer pour que le quatrième gardien débarque accompagné de deux autres marins. Mais à leur arrivée, le phare est vide.
    Tout est en ordre, à part quelques détails : une chaise a été renversée, une tasse est cassée, l’horloge ne fonctionne plus, des restes d’un repas sont retrouvés sur la table et le canari est très amaigri. Deux cirés et deux paires de bottes sur les trois manquent.

    Les marins se précipitent pour fouiller les rochers de la petite île. Le quai ouest est endommagé certes, mais aucune trace des trois gardiens. Et s’il y a eu une forte tempête, il est de toute façon peu probable qu’ils se soient aventurés sur la jetée.

     
     
    Joseph Moore et le commandant du bateau reviennent examiner le journal de bord des trois gardiens de phare James Ducat, Thomas Marshall et Donald McArthur. Les derniers jours, il avait été tenu par Thomas Marshall.


    « 12 décembre
    Coup de vent du nord quart nord-ouest. Mer démontée. Isolés par la tempête.

    21 heures. Jamais vu un tel ouragan. Vagues très hautes, se brisant sur le phare. Tout est en ordre. Ducat irritable.

    Minuit. La tempête fait toujours rage. Le vent ne mollit pas. Isolés, ne pouvons sortir. Un navire passe en actionnant sa sirène de brume. Je peux voir les lumières des cabines. Ducat tranquille. Mc Arthur pleure.


    13 décembre
    L’ouragan a continué toute la nuit. Le vent hale l’ouest quart nord-ouest. Ducat tranquille. McArthur prie.

    Midi. Le jour est gris. Moi, Ducat et MacArthur avons prié.


    15 décembre. 13 heures.
    Tempête terminée. Mer calme. Dieu est au-dessus de tout. »


    Le journal s’arrête là, dix jours avant l’arrivée du bateau sur l’île.
    Sauf qu’aucune tempête n’a été signalée mi-décembre au large de l’Écosse. Et que Joseph Moore a certifié n’avoir jamais vu ses camarades, qui étaient des marins aguerris, ni prier ni pleurer.

    Malgré l’enquête dépêchée par les autorités britanniques, on n’a jamais su ce qui était arrivé aux trois gardiens du phare d’Eilean Mòr.


    Le compositeur Peter Maxwell Davies a imaginé leurs derniers jours dans son opéra The Lighthouse : c’est à l’Athénée jusqu’à après-demain dans une mise en scène d’Alain Patiès et une direction de Philippe Nahon.
     
    Clémence Hérout

  • Dans la lumière du phare • Entretien




    C’est ce soir la première de The Lighthouse, un opéra à suspense de Peter Maxwell Davies dirigé par Philippe Nahon et mis en scène par Alain Patiès.

    J’ai discuté quelques minutes avec Philippe Nahon quelques minutes avant la représentation : nous avons parlé de la musique de Peter Maxwell Davies et de l’histoire de The Lighthouse, mais aussi de laque et de boxe.

    Diffusée en direct sur les réseaux sociaux Facebook et Périscope, l’interview est à revoir ici :


    Si vous ne voyez pas la vidéo, vous pouvez cliquer là : https://youtu.be/F3AlPQlsmJk


     
    The Lighthouse se joue jusqu’à vendredi prochain.

    Bon week-end électoral (courage).

     
    Clémence Hérout

  • La disparition des gardiens du phare • D'hier à aujourd'hui




    Il n’y a plus âme qui vive sur les îles Flannan.

    Ces quelque cinquante hectares rocailleux situés dans l’archipel des Hébrides au nord-ouest de l’Écosse sont d’ailleurs à peine visibles sur une carte :
     
     




     
     
    On décide d’y ériger un phare à son point culminant, situé sur l’île Eilean Mòr : cela signifie « grosse île » en gaélique écossais, bien qu’elle fasse à peine cent cinquante mètres de long.
     
    Il n’y a rien sur l’île, alors il faut construire les quais, escaliers et petite voie ferrée qui permettront d’acheminer les matériaux de construction, qui ont dû être remorqués directement depuis les bateaux par-dessus les falaises. Le chantier dure cinq ans, et le phare est terminé en décembre 1899.
     
    Quatre marins retraités sont choisis pour garder le phare par équipe de trois : chacun passe six semaines dans le phare avant de partir en congé pour deux semaines à tour de rôle. C’est le navire Hespérus qui vient les chercher ou les ramener, apportant également le courrier et les vivres. Trois gardiens sont donc présents en permanence sur Eilean Mòr.



     
     
    En décembre 1900, soit un an après la mise en service du phare, le quatrième gardien Joseph Moore revient sur Eilean Mòr après ses deux semaines de congé. Mais, pris dans une tempête, le navire Hespérus peine à approcher les îles Flannan.

    Le 24 décembre, alors les rochers sont enfin en vue, les marins se rendent à l'évidence : le phare est éteint.
    Il leur faut attendre encore deux jours pour que le navire réussisse à rejoindre le quai est de l’île : mais là, rien n’a été préparé pour assurer l’amarrage de l’Hespérus. Malgré la sirène déclenchée sur le navire, personne ne sort du phare.
     
    Pour connaître la suite de l’énigme de la disparition des îles Flannan, il faut aller voir The Lighthouse, un opéra de Peter Maxwell Davies inspiré de cette histoire vraie. À partir de vendredi à l’Athénée.
     
    Bonne soirée !
     
     
    Clémence Hérout

  • C'est juste une illusion • Pleins feux




    Pierrot lunaire de Schönberg se joue jusqu’à vendredi à l’Athénée dans une version pour marionnettes de bunraku.

    Je vous expliquais la semaine dernière les grands principes du bunraku, cette forme de théâtre japonais traditionnel mettant en scène de grandes marionnettes manipulées par plusieurs personnes.
     

    Les marionnettes en cours de fabrication. Photo : Katia Rezac.
     
     
    Le metteur en scène Jean-Philippe Desrousseaux l’a choisi pour ce spectacle parce qu’il trouve qu’il se rapproche de l’esthétique de Schönberg, mais qu’il apprécie aussi ses spécificités :

    « Je m’intéresse à toutes les sortes de marionnettes. La place du marionnettiste est particulièrement passionnante dans le bunraku, car il est indispensable d’y être trois alors qu’un marionnettiste est généralement seul sur une marionnette. Il faut d’abord réussir à créer une coordination et une respiration à trois.

    Les marionnettes en cours de fabrication. Photo : Katia Rezac.
     
     
    Mais en plus, en tant que spectateur, quand on regarde un spectacle de bunraku, on voit les marionnettistes tout en les oubliant. J’aime cette forme d’“illusion avouée”, pour reprendre la formule d’Antoine Vitez : on croit vraiment à la vie des poupées… »
     
    Les marionnettes utilisées dans Pierrot lunaire n’ont pas été construites au Japon, mais en Tchéquie, par l’artisan Petr Rezac.
     
     

     
     Les marionnettes en cours de fabrication. Photo : Katia Rezac.
     
     
    Jean-Philippe Desrousseaux explique son choix : « Je travaille beaucoup avec lui : il est rompu à tous les styles de marionnettes, y compris le bunraku. Les Tchèques ont une tradition de marionnettes très forte en général. »

    Vous pouvez voir Pierrot lunairedirigé par Takénori Némoto et mis en scène par Jean-Philippe Desrousseaux encore ce soir, demain et vendredi ! Bon mercredi.

    Clémence Hérout
     
    PS. Vous avez Jean-Louis Aubert dans la tête ? Je vous en prie, ça me fait plaisir.

  • C'est l'extase • Pleins feux




    C’est ce soir le deuxième lundi musical de la saison — un peu chamboulé, le chanteur Stanislas de Barbeyrac ayant été contraint d’annuler pour maladie.

    Vous entendrez donc ce soir le ténor Cyrille Dubois accompagné par le pianiste Alphonse Cemin dans un programme intitulé Les Amours des poètes.
    Les trois œuvres programmées aujourd’hui ont en effet été composées sur de la poésie : Robert Schumann choisit des poèmes de Henrich Heine, Gabriel Fauré ceux de Paul Verlaine et Benjamin Britten ceux de Michel Ange.


    Pour Dichterliebe, Schumann met en musique seize des soixante-six poèmes composant l’Intermezzo lyrique de Heine. En voici quelques extraits traduits par Gérard de Nerval, mais vous les entendrez en allemand :

    « Quand je vois tes yeux, j’oublie mon mal et ma douleur, et, quand je baise ta bouche, je me sens guéri tout à fait.
    Si je m’appuie sur ton sein, une joie céleste plane au-dessus de moi ; pourtant, si tu dis : “Je t’aime !” soudain je pleure amèrement. »

    « Quand j’entends résonner ma petite chanson que ma bien-aimée chantait autrefois, il me semble que ma poitrine va se rompre sous l’étreinte de ma douleur.
    Un obscur désir me pousse vers les hauteurs des bois ; là, se dissout en larmes mon immense chagrin. »



    Gabriel Fauré compose ses Cinq Mélodies de Venise sur des extraits des Fêtes galantes et Romances sans paroles de Paul Verlaine, comme :

    « C’est l’extase
    C’est l’extase langoureuse,
    C’est la fatigue amoureuse,
    C’est tous les frissons des bois
    Parmi l’étreinte des brises,
    C’est vers les ramures grises
    Le chœur des petites voix.
    Ô le frêle et frais murmure !
    Cela gazouille et susurre,
    Cela ressemble au cri doux
    Que l’herbe agitée expire...

    Tu dirais, sous l’eau qui vire,
    Le roulis sourd des cailloux.
    Cette âme qui se lamente
    En cette plainte dormante
    C’est la nôtre, n’est-ce pas ?
    La mienne, dis, et la tienne,
    Dont s’exhale l’humble antienne
    Par ce tiède soir, tout bas ? »


    Benjamin Britten utilise quant à lui sept sonnets écrits par le peintre Michel-Ange dans Seven Sonnets of Michelangelo, qu’il laisse en italien. Voici la traduction de l’un d’entre eux proposée par Guy Laffaille :

    « Esprit bien né, en qui est réfléchi et vu
    Dans tes beaux membres, honnête et cher,
    Tout ce que la nature et le ciel peuvent créer,
    Surpassant toute autre œuvre de beauté ;
    Esprit gracieux, en qui on espère et on croit,
    Demeurent, comme ils apparaissent sur ton visage,
    Amour, pitié, miséricorde, choses si rares
    Et jamais trouvées dans la beauté avec une telle foi ;
    L’amour me prend, et la beauté me lie ;
    La pitié, la miséricorde avec de doux regards
    Avec un ferme espoir remplissent mon cœur.
    Quelle règle ou quel gouvernement du monde,
    Quelle cruauté de ce temps ou de plus tard,
    Pourrait empêcher la mort d’épargner un si beau visage ? »


    À ce soir ! Le concert commence à 20 heures et dure 1 h 10.
     
    Clémence Hérout

  • Mon ami Pierrot • Entretien




    Ce soir, c’est la première de Pierrot lunaire !

    J’ai discuté juste avant la représentation avec Takénori Némoto, directeur musical du spectacle.
     
    Nous avons parlé de Schönberg, le compositeur de Pierrot lunaire, mais aussi du choix du metteur en scène Jean-Philippe Desrousseaux d’utiliser des marionnettes japonaises et de ce qu’allait faire Takénori juste après notre entretien.

    Diffusée en direct sur les pages Twitter et Facebook de l’Athénée, la vidéo peut-être visionnée ici.


     
    Pierrot lunaire se joue jusqu’à vendredi prochain !

    Bon week-end.
     
    Clémence Hérout

  • On a marché sur la tête de la lune • Coup de théâtre





     
     
     
     
     

  • La tête et les jambes • Coulisses




    Vendredi commence Pierrot Lunaire, une oeuvre d’Arnold Schönberg sur vingt-et-un poèmes d’Albert Giraud (1884). Il sera présenté à l’Athénée dans une version pour marionnettes.

    Jean-Philippe Desrousseaux, son metteur en scène, nous explique pourquoi : « marionnettiste à la base, je construis mes dramaturgies et scénographies avec des marionnettes. J’ai choisi plus précisément les marionnettes du bunraku japonais, car non seulement le japonisme était très présent en Europe à l’époque de la composition de Pierrot Lunaire, mais en plus il me semble que l’expressionnisme allemand de Schönberg rejoint l’esprit du théâtre japonais. ».

    Le bunraku est l’une des grandes formes théâtrales japonaises née au 16e siècle de l’association de conteurs et marionnettistes.

    Donnant d’abord à voir des récits épiques faits de légendes guerrières ou d’hagiographies, il prend une dimension plus proprement théâtrale à la fin du 17e siècle sous l’impulsion de l’écrivain Chikamatsu qui écrit des drames bourgeois critiquant la société de son époque et exaltant le sentiment amoureux. Texte et musique y sont intimement liés, donnant à entendre du parlé, du récitatif et du chanté.

    Au 18e siècle, les poupées à manchon utilisées jusqu’à présent deviennent de grandes marionnettes d’environ 1 mètre 30 dotées de mécanismes permettant d’animer le visage et les mains.
    Le marionnettiste Yoshida Bunzaburo introduit alors la manipulation à trois personnes : un opérateur anime la tête et le bras droit, un autre le bras gauche et le troisième les jambes.

    Menacée de disparition, la tradition du bunraku survit grâce à la création d’une salle dédiée à Osaka en 1872, avant la fondation du théâtre national du bunraku en 1984.

    Pour en avoir un aperçu, rendez-vous du 24 au 31 mars pour le Pierrot Lunaire de Schönberg dans une direction musicale de Takénori Némoto et une mise en scène de Jean-Philippe Desrousseaux.

    Bonne semaine !
     
    Clémence Hérout
     
    Article écrit grâce aux textes de Patrick De Vos sur le bunraku.

  • Fous ta cagoule • La corde verte du lapin qui siffle




    La Petite Renarde rusée de Janacek se joue jusqu’à dimanche : nous avions parlé la semaine dernière de la volonté de sa metteure en scène, Louise Moaty, de la concevoir comme un film fabriqué en direct et à vue.

    Sauf que, concrètement, s’il est possible de filmer des chanteurs et marionnettes avant d’incruster un décor autour d’eux, comment le faire en direct, c’est-à-dire filmer des chanteurs et retransmettre leur image instantanément intégrée à un décor ?

    Entourée de Nicolas Roger, Philippe André, Benoît Labourdette et l’équipe technique de l’ARCAL qui produit le spectacle, Louise Moaty commence les essais d’incrustation sur fond noir : en gros, les chanteurs sont filmés sur un fond noir, que le logiciel d’incrustation retire pour le remplacer par un autre décor, lui aussi filmé en direct.
     
     
    L’un des décors filmé en direct.

     
    Le problème, c’est que le logiciel retire du coup tous les éléments noirs, comme les pupilles des yeux, les cheveux trop foncés ou les ombres. C’est pour cette raison que les effets spéciaux sont généralement réalisés sur fond vert au cinéma, car vous n’avez jamais de vert sur vous, sauf si vous êtes très très malade. Sauf que là, le film est réalisé en direct, et que Louise Moaty ne veut pas caser des panneaux verts sur scène.

    Les premiers essais étant concluants, l’incrustation sur fond noir est retenue. Les interprètes trop bruns passeront par la case teinture et lentilles, et tous seront éclairés plus que la normale pour éviter les ombres. Lorsqu’une ombre passe sur la personne en effet, elle devient transparente, créant des disparitions rappelant le cinéma de George Méliès -dont Louise Moaty jouera plus tard dans sa mise en scène.
    Concrètement, une personne entièrement habillée et cagoulée de noir filmée sur fond noir ne verra que son visage apparaître incrusté dans le décor.


     
     
     
    La personne entièrement habillée de noir est filmée avec un masque : seuls son visage et le masque apparaissent à l’écran dans le fond, incrustés dans le décor fleuri que vous avez vu plus haut.

     
    Une fois la faisabilité assurée, il faut la mettre en œuvre : Louise Moaty écrit alors intégralement le spectacle dans ses moindres détails (déplacements, actions, costumes, effets, utilisation d’accessoires…) pour en assurer la réalisation technique.

    Elle a ensuite conduit une première session de travail avec les chanteurs, sans la vidéo : il s’agissait de travailler la mise en scène de l’opéra dans ses aspects uniquement théâtraux et musicaux, pour s’assurer que ce qui se déroule sur la scène soit aussi intéressant qu’à l’écran, et qu’il ne s’y passe pas la même chose.
    Cette période a permis de vérifier l’existence propre de la mise en scène indépendamment de la vidéo, tout en offrant aux interprètes de travailler leur rôle théâtral et musical sans les contraintes de la technique, qui n’est intervenue qu’ensuite.



     
    Aidées de figurants, Louise Moaty et l’équipe technique ont ensuite mené dix jours de travail technique pour construire la création vidéo avant que les chanteurs ne s’intègrent au dispositif. 
    Aucun cadre n’est dessiné sur scène : les chanteurs connaissent les angles de prise de vue des caméras et sont ainsi responsables de leur propre cadrage.

    Il ne vous reste que deux représentations pour découvrir cette Petite Renarde rusée lyrico-marionnetto-cinématograpique : samedi et dimanche. Bon week-end !
     
    Clémence Hérout

  • La petite renarde en live • Entretien




    Ce soir, c’était la première de La Petite Renarde rusée, un opéra de Leos Janacek mis en scène par Louise Moaty et dirigé par Laurent Cuniot.

    Juste après le spectacle, on a parlé avec Louise Moaty de ses impressions à chaud, mais aussi de sa première fois à l’Athénée alors qu’elle était encore étudiante.

    Diffusée en direct sur les réseaux sociaux de l’Athénée, l’interview est à revoir ici :


     
     

    Vous avez jusqu’à dimanche pour voir La Petite Renarde rusée !
     

    Clémence Hérout

  • Une ruse rusée • Coulisses





     
     
     
     

  • La petite renarde filmée • Coulisses




    Mercredi commence La petite Renarde rusée, un opéra de Janacek mis en scène par Louise Moaty et dirigé par Laurent Cuniot.
     
    L’opéra est en fait une adaptation d’un feuilleton illustré que Janacek avait lu dans un journal : c’est parce que l’image et le paysage sont au cœur de l’œuvre que Louise Moaty a souhaité en faire de même dans sa mise en scène, s’inscrivant aussi dans la continuité de ses concerts optiques.
     
    Le spectacle que vous verrez est donc conçu comme un film en direct dans lequel les chanteurs sont filmés et incrustés dans un paysage dessiné où ils rencontrent des objets et marionnettes —il faut dire que les personnages de La petite Renarde rusée sont d’abord des animaux : renards, basset, poules, coq, blaireau, chouette, pivert, mouches, grillons, sauterelles…
    Je vous conseille de regarder la bande-annonce du spectacle ici pour en avoir une idée plus précise.
     
    Louise Moaty n’a pas pour autant souhaité évacuer le côté théâtral du spectacle : si de nombreux objets techniques sont utilisés, notamment le logiciel d’incrustation en direct et les caméras, elle a voulu montrer les choses en train de se faire.
    « Je souhaite atteindre une dimension poétique dans cette forme d’artisanat : on voit ce qui se passe tout en étant lié à dimension humaine de la fabrication du spectacle. Dans la façon dont la technologie est utilisée, c’est finalement la main de l’homme qui est prépondérante. Je voulais assumer la représentation théâtrale comme telle, tout en introduisant du merveilleux dans cette fabrication artisanale à vue. L’énigme de la représentation existe déjà dans l’œuvre au départ. »
     
    Difficulté supplémentaire : Louise Moaty voulait absolument que le film se réalise en direct, alors qu’on aurait pu imaginer créer une vidéo en amont.
    « Cela me semblait plus intéressant de proposer une réalisation en direct du film, donc sans décalage entre les interprètes et leur image. Je voulais qu’on tourne un film de l’histoire de La petite Renarde rusée et qu’il se voie en direct. Quand on voit un homme à l’écran, il est en train de chanter. Nous avons mis beaucoup de temps avec Benoît Labourdette (conseil et collaboration vidéo) pour trouver la solution technique nous permettant un réel direct : sinon, il y a souvent un délai d’une seconde qui n’est pas gênant au théâtre, mais qui l’est en musique. »
     
    À très vite sur le blog pour vous raconter le travail concret mené pour monter ce spectacle hors norme, et à mercredi pour la première ! 
     
    Bon week-end.

    Clémence Hérout

  • Créer le chaos • Coulisses




    L’opéra Je suis un homme ridicule a commencé samedi. Après la genèse du projet et l’écriture du livret, place à la composition de la musique par Sébastien Gaxie.

    Sébastien Gaxie nous l’expliquait il y a dix jours : il part généralement du réel pour composer ses œuvres dans un processus ressemblant à une décalcomanie musicale.
    « Là par exemple, vous ponctuez mes explications de “oui” ou “hmm”. Si vous écoutez quelqu’un dire “oui” dans une conversation, vous verrez qu’il y a une infinité de “oui” et que chacun est très explicite. Il s’agit de la même unité de sens, mais l’intonation donne plus d’informations : cela m’intéresse d’objectiver cela, de le montrer dans la musique ».

    Pour Je suis un homme ridicule, Sébastien Gaxie enregistre le texte du livret dit par l’un des interprètes du spectacle avant de littéralement coudre de la musique dessus :
    « j’ai d’abord travaillé avec Lionel Gonzalez, qui a été très important dans la constitution du matériau, puisqu’il a enregistré tout le texte, qui est très dense pour un opéra. Nous nous sommes vus une dizaine de fois en travaillant de façon spécifique sur chaque passage. Lionel Gonzalez a été très disponible, et ce moment de constitution du matériau très fertile pour moi : je lui suis vraiment redevable.
     

    Lionel Gonzalez photographié en répétition par Sébastien Gaxie 
     

    Une fois le texte enregistré par Lionel Gonzalez, j’essaie de changer le moins de choses possible : je prends chaque phrase et décide d’un tempo avant de placer les mots et décaler chaque unité de phrase pour faire en sorte qu’elle s’inscrive dans le tempo choisi. Quand cette mise en rythme et ce placement des mots de façon cohérente sur le tempo sont finalisés, je mène un travail obsessionnel et fastidieux qui consiste à associer une note à chaque phonème. »

    Pour vous donner une idée plus concrète, voici un aperçu de cette première phase de travail. Il ne s’agit pas du résultat final, mais bien d’une matière première : on entend le texte dit par Lionel Gonzalez, calqué sur un tempo choisi par Sébastien Gaxie, qui y a également accolé des notes au piano suivant la mélodie de la voix.
     
    Si vous ne voyez la vidéo, vous pouvez cliquer ici : https://youtu.be/lHBevBv3Feg
     

    Notons le caractère inédit de l’expérience pour l’interprète, qui créera donc le rôle sur scène, mais à partir d’un matériau qui lui sera familier puisqu’il aura pris une grande part à sa constitution première.

    Nous avions également parlé la semaine dernière avec Volodia Serre, le librettiste et metteur en scène, des chants des habitants de la planète où se rend le narrateur : puisqu’ils devaient parler une langue inconnue (ou presque), il a été choisi de les faire s’exprimer en Hopi, une langue parlée par des Amérindiens de l’Arizona. Sauf que plus le narrateur reste, et plus leur langue est corrompue pour se transformer en français.

     
    Photo de répétition prise par Sébastien Gaxie 
     
     
    Sébastien Gaxie explique ce qui se passe du côté musical : « en pensant à Jacques Derrida, j’ai essayé d’interroger son idée d’un deuil que nous devons accepter en sentant les forces qu’il mobilise en nous -comme une injonction existentielle où le deuil est une force positive et vivante. À ce moment de l’opéra, une donnée initiale se désagrège, car la présence de l’homme crée le chaos chez cette humanité idéale. Musicalement, j’introduis une sorte de pourrissement du matériau.
    Pour la première journée passée sur la planète, j’ai cherché à créer un moment grandiose et onirique. Les journées suivantes, ce matériau s’altère : en plus de l’intrusion de mots en français, j’introduis une dissonance progressive où les mots français se placent sur des notes étrangères à l’harmonie initiale. À la fin, ils chantent ainsi dans une harmonie inverse à celle du premier jour. »

    Le compositeur s’amuse aussi à incorporer des détails loufoques pour jouer avec l’histoire musicale ou réintroduire un peu de premier degré dans un spectacle très porté sur le rêve : si les plus musiciens d’entre vous reconnaîtront ainsi l’accord de Parsifal de Wagner à la fin de Je suis un homme ridicule, tous les autres entendront quelques bruits incongrus et même une chanson paillarde revisitée.
     
     

    Extrait de la partition de Je suis un homme ridicule
     

    Pour Sébastien Gaxie, « nos divergences à Volodia Serre et moi donnent de l’épaisseur au spectacle et sont au final au bénéfice de l’œuvre. De même, le chef d’orchestre Pierre Roullier a apporté des changements : je ne suis pas toujours d’accord avec ses choix, mais il fallait des positions radicales pour le bien de l’ensemble. L’intervention du chef d’orchestre est nécessaire ».

    Vous avez jusqu’à samedi pour voir Je suis un homme ridicule, d’après Dostoïevski ! Bonne semaine.

    Clémence Hérout

  • Une heure avant la première • Entretien




    Ce soir, c’est la première de Je suis un homme ridicule, un opéra composé par Sébastien Gaxie sur un livret de Volodia Serre, qui en assure aussi la mise en scène.

    Une heure avant la représentation, nous étions en direct avec Pierre Roullier, le chef d’orchestre.

    Nous avons parlé de sa dernière venue à l’Athénée, qui l’amène aujourd’hui à se considérer comme un rescapé (seuls ceux qui ont vu Le Tribun/Finale en 2008 comprendront sans voir la vidéo). Nous avons aussi évoqué les travaux du Théâtre et le plaisir de créer une oeuvre qui n’a encore jamais été jouée.

    Bon visionnage !


    Si vous ne voyez pas la vidéo, vous pouvez cliquer ici : https://youtu.be/0CJpgi7rCV8
     
     
    Je suis un homme ridicule se joue jusqu’au 4 mars 2017 !

    Bon week-end.
     
    Clémence Hérout

  • Le voyage intérieur • Coulisses




    Je vous ai raconté la semaine dernière comment l’idée de composer un opéra à partir d’une nouvelle de Dostoïevski est née chez le comédien et metteur en scène Volodia Serre et le compositeur Sébastien Gaxie.

    Une fois le projet lancé, Volodia Serre s’attelle à l’écriture du livret de ce qui deviendra l’opéra Je suis un homme ridicule, à l’Athénée à partir de samedi prochain.


    Si c’est Volodia Serre qui écrit le livret à partir de la nouvelle de Dostoïevski, il n’en discute pas moins beaucoup avec le compositeur Sébastien Gaxie dans un processus qui prendra plusieurs années.

    « La première version du livret n’a rien à voir avec celle qui va être représentée. J’ai commencé par créer un point de départ, à partir duquel Sébastien Gaxie et moi avons confronté nos visions de la nouvelle, parlé de Dostoïevski, de son rapport à la foi et de son mysticisme. Nous avons beaucoup échangé et mené de nombreux essais qui ont souvent abouti à des impasses. »



    Croquis de la scénographie (c) Stephan Zimmerli
     
     
    Le texte de Dostoïevski est en effet une nouvelle écrite à la première personne, où un homme raconte le voyage qu’il fait en rêve jusqu’à une nouvelle planète.
    Deux difficultés majeures apparaissent rapidement : d’abord créer les habitants de cette planète, qui n’existent dans la nouvelle qu’à travers le regard du narrateur qui ne comprend ni leur langue ni leurs rites. Et donner à entendre le dialogue intérieur du narrateur, dont on suit les pensées dans le texte de Dostoïevski.

    Volodia Serre explique : « L’adaptation nous donne une grande permissivité, mais il est très difficile d’inventer une matière qui ne figure pas dans un texte déjà dense et bien construit, mais qui lui manque à mon avis pour en faire un opéra.



     Croquis de la scénographie (c) Stephan Zimmerli
     
     
    Nous avons d’abord ajouté un double au narrateur, qui permet de faire dialoguer l’homme avec lui-même et créer une dichotomie intérieure. Cela s’est d’autant plus imposé que le fil conducteur de la nouvelle est un voyage intérieur, et que Dostoïevski écrit qu’une ombre vient chercher l’homme pour partir en voyage.
    C’est aussi un clin d’œil au roman Le Double de Dostoïevski. Ce double est comme Virgile pour Dante dans La divine Comédie : il est là pour guider le narrateur dans sa mémoire et son expérience. Sur scène, le narrateur de la nouvelle est donc joué par deux interprètes. »

    Il faut aussi représenter la planète où arrive le narrateur au terme de son voyage : « Ce qui nous intéressait était la rencontre entre l’homme et ce monde inconnu — qui est probablement un monde intérieur, c’est-à-dire sa vision propre d’une sorte de paradis.
     
     

    Croquis de la scénographie (c) Stephan Zimmerli
     
     
    Pour le raconter, il faut nécessairement représenter cette planète, la communauté qui y vit, la manière dont elle chante, ou encore la façon dont ils communiquent avec l’homme… Dostoïevski le fait simplement décrire par le narrateur : mais là où le narrateur peut simplement dire que les habitants de cette planète parlent une langue qu’il ne comprend pas, il faut que le spectateur les voie ! Comment ces personnages chantent-ils, et dans quelle langue ? Après de très nombreuses tentatives, nous avons pensé qu’il fallait qu’ils parlent une langue que presque personne ne connaît. »

     
    Photo de répétition prise par Sébastien Gaxie
     
     
    C’est presque par hasard que Volodia Serre trouve la langue qu’il utilisera finalement :
    « J’avais écrit des chants en français correspondant à plusieurs moments de la journée. Sur une idée de Sébastien Gaxie, ces chants étaient destinés à se répéter dans l’opéra jour après jour pour raconter l’éternité, dans une sorte de temps suspendu où une journée idéale se répète sans cesse.
     
    Je voulais un paysage pour chaque moment de la journée, comme si chaque moment correspondait à un endroit de la planète et que la communauté avait des bottes de sept lieues lui permettant de passer d’un paysage de montagne à la forêt, puis à la mer, puis dans le désert…
      Photo de répétition prise par Sébastien Gaxie
     
     
    En lien avec le travail de scénographie avec Stephan Zimmerli et Marc Lainé, je me suis inspiré des images de la trilogie Qatsi de Godfrey Reggio, qui se compose de trois films : Koyaanisqatsi (1982), Powaqqatsi (1988) et Naqoyqatsi (2002). Les titres de ces trois films sont en Hopi, une langue parlée par moins de sept mille Amérindiens du nord-est de l’Arizona.
     
    En étudiant cette tribu, j’ai trouvé une ressemblance étonnante entre leur société, leurs mœurs, leur métaphysique et ce qui est décrit des habitants de la planète inconnue dans la nouvelle de Dostoïevski. Le texte raconte aussi le processus d’acculturation provoquée par l’arrivée de cet homme, rappelant la colonisation subie par les Amérindiens.
     
     
    Photo de répétition prise par Sébastien Gaxie

     
    Nous avons donc décidé de les faire s’exprimer en Hopi, d’autant que cette langue se prête très bien au chant. Tous les chants que j’avais écrits en français ont été traduits en Hopi — sachant que je l’ai fait moi-même : le résultat ferait sans doute rire les Hopis s’ils l’entendaient…
     
    Au fur et à mesure que la journée idéale et ses chants se répètent, des mots en français sont introduits dans le Hopi et déstructurent l’harmonie initiale. Ces hommes déchantent progressivement jusqu’à arriver au chant français. Il fallait trouver des mots français qui ressemblent phonétiquement au Hopi, mais qui signifient quelque chose, pour montrer cette corruption de la communauté par l’arrivée de l’étranger.
     
    Photo de répétition prise par Sébastien Gaxie
     
     
    L’opéra s’achemine donc vers un chaos final, qui est selon Dostoïevski l’expression du monde contemporain. C’est ce que raconte la nouvelle : cet homme fait vivre en accéléré l’Histoire du monde à cette communauté jusqu’à les ramener à sa propre temporalité. »


    Suite la semaine prochaine avec le travail mené par Sébastien Gaxie pour la composition de l’opéra. Je suis un homme ridicule de Sébastien Gaxie et Volodia Serre d’après Dostoïevski commence samedi !

     
    Clémence Hérout

  • Un festin pour les oreilles • Coulisses




    Samedi prochain, c’est le début de l’opéra Je suis un homme ridicule, adapté d’une nouvelle de Dostoïevski.

    La musique a été composée par Sébastien Gaxie et le texte écrit par Volodia Serre, que vous avez pu voir à l’Athénée dans Les trois Sœurs de Tchekhov.


    Cela fait plus de quinze ans que la nouvelle de Dostoïevski trotte dans la tête de Volodia Serre, qui a cependant l’impression que quelque chose manque au texte pour exprimer toutes ses dimensions dans une adaptation sur scène : la nouvelle raconte en effet le rêve d’un homme qui voyage sur une autre planète.

    D’après Volodia Serre, « pour raconter cette vision d’extase, cette sensation d’une harmonie d’un monde idéal, il semblait inévitable d’utiliser la musique. Il ne peut pas y avoir d’harmonie, de paix partagée sans musique. Cela me paraissait aller de soi. Dostoïevski écrit que le personnage ne comprend pas les paroles des habitants de la planète où il arrive, mais qu’il en comprend le sens, car il passe dans la musique de la langue. C’est un élan musical qui l’amène vers la planète, et la révélation de l’harmonie s’opère par la musique. C’est sous doute pour cela que j’avais l’impression que quelque chose manquait dans les adaptations théâtrales de la nouvelle que j’avais vues. »


    Photo prise par Sébastien Gaxie en répétition

     
    Volodia Serre partage ses réflexions avec le compositeur Sébastien Gaxie, qui raconte :

    « Volodia et moi nous connaissons depuis longtemps puisque nous étions ensemble au collège… Nous avons travaillé ensemble sur A Feast For The Ears, une pièce musicale radiophonique que j’ai composée sur la cuisine du chef Pierre Gagnaire : j’avais choisi de mettre des micros à son restaurant rue Balzac, à la fois dans la cuisine et en salle, à une table où mangeaient des comédiens, dont Volodia Serre.
     
    Dans mon travail, je prends des éléments du réel que j’enregistre avant de les transcrire en musique. Si j’enregistre une voiture ou un téléphone, je vais coudre un instrument sur le bruit de cette voiture ou de ce téléphone, comme une décalcomanie musicale de la réalité. Pour A Feast For The Ears, j’avais choisi un ensemble de jazz en salle et un de musique contemporaine en cuisine, dans une alternance musicale et théâtrale de deux lieux qui se répondent. Le projet s’est bien passé, nous avons même gagné le prix Italia à Turin.

    Volodia Serre a eu l’intuition que cela serait bien de se confronter à un texte. Nous nous sommes retrouvés au restaurant du théâtre du Rond-Point en fin 2013 ou début 2014, où j’ai naturellement parlé de Dostoïevski, car je sais qu’il aime la littérature russe et moi aussi. C’est là qu’il m’a sorti la nouvelle Le Rêve d’un homme ridicule, dont il voulait me parler… »
     


    Photo prise par Sébastien Gaxie en répétition

     
    Si Volodia Serre a pensé à Sébastien Gaxie en effet, c’est d’abord pour son travail sur la voix parlée :

    « La langue de Dostoïevski est extrêmement théâtrale : tout le texte induit la scène. C’est parce que la parole y est logorrhéique qu’il fallait un compositeur capable de s’en s’emparer.
    Les livrets d’opéra sont généralement très courts, puisqu’on a tendance à y réduire le matériau textuel à quelques éléments, qui servent seulement de support à l’expression du sens. Par exemple, notre livret fait 80 pages alors que le livret d’un opéra de cette durée en ferait habituellement plutôt 20. Même si je dois dire que Sébastien Gaxie n’a pas arrêté de me dire qu’il y avait trop de texte ! Nous avons mené un important travail linguistique sur le texte, et Sébastien Gaxie a travaillé directement à partir de la voix des interprètes. »


    Nous verrons dans un prochain billet comment Sébastien Gaxie et Volodia Serre ont concrètement travaillé à la création de l’opéra. Je suis un homme ridicule commence le samedi 25 février !
    Clémence Hérout

  • Le rêve •





     
     
     
     
     
     

  • Je t'haime • Perspective




    Jeudi commence Danse macabre, une pièce de l’écrivain August Strindberg sur un naufrage conjugal : à l’Athénée, ce couple qui se déchire sera interprété par un couple qui s’aime, Adriana Asti et Giorgio Ferrara.
     
    Pour l’occasion, retour sur ces vrais couples qui ont joué des couples en crise à l’écran :

     
    Dans Eyes Wide shut de Stanley Kubrick, Nicole Kidman et Tom Cruise se questionnent sur la fidélité et la confiance au sein du couple -ils divorceront peu de temps après, mais d’après eux, sans aucun lien avec le tournage du film.
     
    Si vous ne voyez pas la vidéo, c'est ici : https://youtu.be/YEfyfcEdW4Y
     
     

    Dans l’inclassable Le Bal des actrices à mi-chemin entre la comédie musicale, le faux documentaire et le drame comique, Maïwenn montre avec auto-dérision le couple qu’elle formait à l’époque avec Joey Starr
     

    Si vous ne voyez pas la vidéo, cliquez là : https://youtu.be/u_Id_AHibv0
     
     

    Notre univers impitoyable
    de Léa Fazer évoque une problématique conjuguale rarement abordée au cinéma : deux membres du couple peuvent-ils travailler ensemble, et plus particulièrement lorsqu’ils entrent directement en concurrence ? Avec Alice Taglioni et Jocelyn Quivrin, brutalement décédé peu de temps après.

    La vidéo est visible ici : https://youtu.be/fuqTeLMTGMU
     
     

    Scarlett Johansson débarque au milieu d’un couple qui aime à manquer de littéralement s’entretuer : il s’agit de Pénélope Cruz et Javier Bardem dans Vicky Christina Barcelona de Woody Allen.
     
     

    La vidéo est aussi disponible par là : https://youtu.be/JqkHFv6vyiI
     
     

    Avec Ma Femme est une actrice, Charlotte Gainsbourg et Yvan Attal racontaient avec humour la difficulté d’un homme à supporter le métier de sa femme. Le ton est moins léger dans Ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants, toujours réalisé par Yvan Attal, où ils jouent un couple face à l’infidélité, réelle ou fantasmée.
     
    Si vous ne voyez pas la vidéo, vous pouvez cliquer ici : https://youtu.be/XJ7HfRJiAZs
     
     

    Inégal et souvent sexiste, Les Infidèles, composé de saynètes réalisées par huit personnes différentes, offre un beau moment grave entre Jean Dujardin et Alexandra Lamy qui, dirigés par Emmanuelle Bercot, se posent LA question : est-ce que tu m’as trompé(e) ?
     

     

    Husbands and Wives
    , où le divorce d’un couple fragilise leurs amis, marque la dernière collaboration du couple formé par l’actrice Mia Farrow et l’acteur-réalisateur Woody Allen.

     
    La vidéo peut aussi se regarder là : https://youtu.be/zh20PsGiFyk
     
     
    Dans Mr and Mrs Bridge de James Ivory, Paul Newman et Joanne Woodward luttent pour se maintenir dans un monde qui change.


     

     
    Pour voir La Danse macabre de Strindberg, rendez-vous à l’Athénée jeudi, vendredi, samedi ou dimanche!
     
     
    Clémence Hérout
     

  • Cendres • Perspective




    Les lundis musicaux reprennent aujourd’hui ! Autour d’une voix, d’une flûte, d’un violoncelle et d’un piano, vous pourrez entendre ce soir des œuvres de Francis Poulenc, Maurice Ravel et Kaija Saariaho.

    Née en Finlande en 1952, Kaija Saariaho vit aujourd’hui à Paris. Après des études en arts visuels, elle se tourne vers la composition et plus particulièrement l’informatique musicale.


    © Priska Ketterer 
     
     
    On pourrait craindre au premier abord que la composition assistée par ordinateur soit artificielle ou mécanique, mais avec Saariaho, c’est tout le contraire : son style très personnel et lumineux s’est nourri de l’informatique, qui lui a permis d’explorer le son dans toutes ses variations.

    Sa musique témoigne souvent des liens entre l’homme, la machine et la nature. La terre est toujours présente d’une manière ou d’une autre dans ses compositions, et si certains titres évoquent directement le cristal, la fumée, le vent, la lumière ou le jardin, toute son œuvre semble traversée par les paysages finlandais.

    Composée en 1998 pour flûte, violoncelle et piano, la pièce Cendres que vous entendrez ce soir cultive la tension entre les instruments qui se fondent tous les trois ou au contraire étirent leur singularité à l’extrême.

    Le lundi musical Histoires naturelles est ce soir à 20h avec le baryton Stéphane Degout, le pianiste Cédric Tiberghien, le violoncelliste Alexis Descharmes et le flûtiste Matteo Cesari.

    Bon lundi !
     
    Clémence Hérout

  • À mourir de rire • D'hier à aujourd'hui




    J’ai commencé à vous parler la semaine dernière du théâtre napolitain, dont Eduardo de Filippo est le plus célèbre représentant.

    Né en 1900 à Naples, il fonde sa compagnie avec son frère et sa sœur trente ans plus tard : ils ne joueront pratiquement que ses pièces et, après la seconde guerre mondiale, tournent à l’international. Acteur et metteur en scène, son talent exceptionnel de comédien cache un temps celui d’écrivain.

    Inscrites dans la tradition du théâtre napolitain et écrites en dialecte napolitain ou en italien (mélangeant parfois les deux !), ses pièces se situent souvent à Naples, ce qui ne les empêche pas d’évoquer des sujets universels comme les conflits familiaux, la survie dans la guerre, la mafia, le mariage, le pouvoir ou les relations affectives et sociales.

    Ses textes prennent en particulier un tour plus sombre après la guerre, leur caractère comique cachant un profond pessimisme et des critiques à peine voilées de la société. Pleins d’ironie et d’humour noir, ils mettent souvent la mort en scène dans des atmosphères dérangeantes à la fois joyeuses et amères. Radical sous un abord léger, Eduardo De Filippo a souvent été comparé à Molière.

    Il vous reste deux représentations aujourd’hui, à 16 h et 20 h, pour découvrir Dolore sotto chiave et Pericolosamente mis en scène par Francesco Saponaro dans la salle Christian Bérard de l’Athénée. C’est également la dernière d’Elvira (Elvire Jouvet 40) mis en scène par Toni Servillo.

    Bon week-end !
     
    Clémence Hérout

  • Le couple de la danse • Pleins feux





     
     
     

  • Imagination, délivrance et amour • D'hier à aujourd'hui




    Hier soir, j’animais une rencontre avec les équipes des deux spectacles actuellement joués à l’Athénée, Elvira (Elvire Jouvet 40) et Dolore sotto chiave/Pericolosamente.
    Les très nombreux spectateurs présents ont ainsi pu poser leurs questions aux artistes dans une joyeuse discussion collective franco-italienne que vous pouvez revoir ici.

    Dans Elvira (Elvire Jouvet 40), Louis Jouvet est interprété par Toni Servillo. Suite de mon best-of personnel de Louis Jouvet commencé la semaine dernière


    Cet extrait de ses Témoignages sur le théâtre parus chez Flammarion en 1952.

    « Le théâtre rend aux hommes la tendresse.

    [Le théâtre] est dans l'univers le seul libre échange, celui des sentiments, des idées. […] Le théâtre n'est pas seulement un moyen d'écouter ou de passer le temps, c'est une occasion recherchée de préparer et de vivre sa vie avec plénitude.

    Le théâtre n'est pas seulement industrie ou gesticulation, il est imagination, délivrance et amour. […] Ainsi le théâtre éveille les espoirs et les souvenirs. Il fait revivre une sensibilité qui peut s'étioler ou sombrer.

    Le théâtre rend aux hommes la tendresse humaine, cette tendresse humaine qui relie comme une immense famille, à travers les générations, le public d'Eschyle, de Sophocle, d'Euripide, à celui de Lope de Vega, de Calderon, à celui de Shakespeare, à nos classiques français et nos auteurs contemporains. […]

    Mais ce n'est pas par affrontement ou par combat que le théâtre s'organise. Pénétration, découverte ou enrichissement de l'homme, le théâtre ne vit pas d'exclusion, de domination, de ces revendications de primauté que les débats économiques et militaires suscitent, entretiennent et tentent de justifier. […] Il n'exige pas pour prospérer de disqualifier, de limiter, d'anéantir. […]

    Nous souhaitons qu'il cesse d'être tenu pour un commerce ou un trafic ; nous souhaitons que l'éducation fasse, au théâtre, à l'art dramatique, la part qui lui est due et qu'il reste ce qu'il a toujours été jusque ici et ce qu'il doit rester : une offre, un échange d'amitié et d'amour entre les hommes. »


    Cette scène du film Copie conforme réalisé par Jean Dréville (1947), où Louis Jouvet interprète à la fois un représentant en boutons un peu neuneu et un brillant cambrioleur :


    Si vous ne voyez pas la vidéo, cliquez ici : https://www.youtube.com/watch?v=vBpRvw5Z-_A

     
     
     
    Cet extrait d’un cours qu’il a donné au conservatoire, sténographié par son assistante et écrivaine Charlotte Delbo, que l’on retrouve dans le spectacle Elvira :

    « Il faut que tu cherches le sentiment ; l'intelligence dramatique ne suffit pas s'il n'y a pas de sentiment. Ce qui fait de Raimu le plus grand acteur de notre époque, c'est qu'il est puissant dans le sentiment.
    Il faut arriver à puiser en soi ce potentiel, cette puissance, cette faculté du sentiment porté à l'excès ; c'est par un excès de sentiment, par un excès de tendresse, par un excès de colère, d'indignation, d'orgueil, c'est en cultivant toutes ces qualités, tous ces défauts, toutes ces vertus cardinales, que tu arriveras à rendre tes personnages.

    Qu'Irène donne Elvire sans mettre de sentiment... elle est en première année! Il faut qu'elle essaie de voir ce que c'est qu'une scène, qu'on la lui explique, qu'elle y pense, mais pour toi, la pensée doit s'accompagner d'un sentiment violent, d'un sentiment profond.?
    Il ne faut pas que tu puisses te dire : moi, je vais jouer ça en apparition et que tu le donnes confortablement. Il faut que tu développes ton sentiment.

    Elle n'est pas convaincue! Tu penses que je ne te dis pas ça pour avoir le plaisir de t'expliquer des balançoires. Dans vingt ans d'ici, tu penseras peut-être à ce que je te dis maintenant, quand tu raconteras des souvenirs de jeunesse à des camarades plus jeunes, en voyage par exemple...: je me suis embêtée, dans sa classe! Pendant trois ans! Je ne l'aimais pas, mais un jour il m'a dit quelque chose de pas mal. Je ne souhaite pas autre chose que vous faire un jour, un instant, toucher du doigt votre instrument.

    Vous aurez appris quelque chose le jour où, dans une conversation comme celle que nous avons en ce moment, vous aurez été tout à coup saisis, touchés, par une idée, une sensation que je mettrai devant vous ; où vous aurez eu cette révélation intérieure de ce que vous êtes par rapport à ce que vous faites. »

     
    Pour voir Louis Jouvet (ou presque), c’est à l’Athénée jusqu’à samedi !

     
    Clémence Hérout

  • Un Lundi Charmant • Pleins feux





     
     
     
     

  • Una notte a Napoli • Perspective




    En ce moment, dans la petite salle de l’Athénée, se jouent trois textes italiens réunis dans un spectacle d’1h15 : les pièces Dolore sotto chiave (Douleur sous clé) et Pericolosamente (Dangereusement) d’Eduardo de Filippo, précédées d’un prologue de Luigi Pirandello.

    De Filippo est l’un des représentants les plus connus de ce qu’on appelle le théâtre napolitain -certaines de ses pièces ne sont d’ailleurs pas écrites en italien, mais dans le dialecte parlé à Naples.

    Si le dialecte napolitain est resté aussi fort, c’est sans doute par résistance aux nombreuses dominations étrangères sur Naples (dans l’ordre : normande, angevine, aragonaise, espagnole, autrichienne, française, avant l’unification italienne).
     
    Le théâtre napolitain a également subsisté comme expression du peuple et spécificité culturelle face aux cultures officielles. Le théâtre napolitain typique est une description de la vie quotidienne à Naples, souvent sur un mode satirique.
    La plupart des dramaturges sont aussi acteurs, comme Eduardo Scarpetta (fin du 19e - début du 20e), qui a écrit des textes sur la misère des gens autant amers que drôles.

    En 1917, les théâtres de variétés sont fermés par le gouvernement italien. Plusieurs compagnies inventent un nouveau genre inspiré de chansons et rassemblant vers, prose, et musique.
    Le dramaturge Raffaele Viviani (20e) écrit par exemple plusieurs pièces à la fois tragiques et comiques en un acte décrivant la vie des Napolitains. Il est également l’auteur de pièces en trois actes comprenant souvent un personnage représentant un milieu et/ou une condition : c’est l’écrivain et compositeur de la misère et des petites gens, que les spectateurs de l’Athénée connaissent pour son œuvre musicale Circo Equestre Sgueglia, programmée au Théâtre en 2015 dans une mise en scène d’Alfredo Arias. Son utilisation du dialecte napolitain lui valut une interdiction par le régime fasciste

    Issu de la tradition du théâtre napolitain, Eduardo de Filippo fonde sa compagnie en 1930 : nous reparlons en fin de semaine de ce lui qu’on a souvent comparé à Molière.
    En attendant, vous pouvez allez découvrir deux de ses pièces dans la petite salle Christian Bérard de l’Athénée jusqu’à samedi !

     
    Clémence Hérout

  • L'Italie en direct • Entretien




    Le festival italien continue à l’Athénée ! Après la première d’Elvira (Elvire Jouvet 40) hier, c’est Dolore sotto chiave / Pericolosamente qui commence ce soir dans la petite salle Christian Bérard.

    Francesco Saponaro est le metteur en scène du spectacle, qui réunit deux pièces d’Eduardo de Filippo et un texte de Luigi Pirandello.

    Il a passé cinq minutes avec nous pour une interview à l’accent italien, diffusée en direct sur Facebook live et Périscope. Vous pouvez la revoir ici :




    Si vous ne voyez pas la vidéo, cliquez sur ce lien : https://youtu.be/181GUemzbIE
     

    Dolore sotto chiave / Pericolosamente dans la petite salle et Elvira dans la grande salle, c’est jusqu’au 21 janvier 2017. Bon week-end.
     
    Clémence Hérout

  • Toni Servillo en direct ! • Entretien




    Dans une demi-heure, l’acteur Toni Servillo sera sur scène pour la première d’Elvira (Elvire Jouvet 40), qui reprend le contenu de cours dispensés par Louis Jouvet au Conservatoire en 1940.

    Il était en direct pour une interview en trois minutes (en français !) à retrouver ici :



    Si vous ne voyez pas la vidéo, cliquez sur ce lien : https://youtu.be/xBHu2lW9xiw
     

    Elvira se joue jusqu’au 21 janvier !

    Bonne soirée.

    Clémence Hérout

  • « 17 ans. Je ne les ai plus parce que tu les as. » • D'hier à aujourd'hui




    Acteur, metteur en scène, professeur de théâtre, machiniste, accessoiriste, costumier, éclairagiste, peintre, Louis Jouvet a aussi été directeur du Théâtre de l’Athénée de 1934 à sa mort en 1951.

    À partir de demain, vous pourrez voir au Théâtre Elvira (Elvire Jouvet 40), dont le texte a été conçu par Brigitte Jaques-Wajeman à partir de cours que Louis Jouvet a donnés au Conservatoire : il s’agit plus particulièrement de leçons dispensées en 1940 autour d’une scène de Dom Juan de Molière.

    Louis Jouvet y sera interprété par Toni Servillo, que vous avez peut-être vu récemment dans les films La Grande Bellezza, La belle Endormie ou Gomorra, et bientôt dans Les Confessions (sortie fin janvier).


    Pour moi, Louis Jouvet, c’est d’abord cette scène exceptionnelle du film L’Entrée des artistes de Marc Allégret (1938) où il joue un professeur de conservatoire aidant une élève à convaincre ses tuteurs de la laisser faire du théâtre :


    (Si vous ne voyez pas la vidéo, cliquez ici : https://www.youtube.com/watch?v=ek8YSKd60u4)

     
    C’est aussi cette photo de lui dans Les Bas-Fonds de Jean Renoir (1936), où il interprète un baron ruiné :


     

    C’est encore ce texte, extrait de ses Témoignages sur le théâtre :

    « Le comédien parle.
    Le comédien pense ou écrit. Il ne saurait le faire avec pertinence. Il s’improvise penseur ou écrivain. C’est un faussaire aussi dans cet exercice. Mais, même l’improvisation ne s’improvise pas. Elle est un résultat et je me sens à ma table, devant mon papier, plus dépourvu que jamais.

    On s’introduit dans un rôle, on s’y faufile, on agite le texte, on agit par astuce ; subrepticement on se substitue ; on se justifie d’idées qui viennent ensuite. Mais s’il s’agit de penser, de parler ou d’écrire, le comédien est livré à lui-même dans son néant. Sa nature et sa vocation sont d’être vide et creux, disponible, accessible, vacant, habitable. Qu’il s’entende parler ou qu’il lise ses propos, le voilà anéanti.

    Ce n’est pas son métier.

    Et, par une curieuse ironie, cet homme fait pour parler, dont la mission est de parler, est incapable de le faire pour son compte. C’est qu’il ne le fait que pour le compte des autres. Il agit d’ailleurs, la plupart du temps, avec d’autres sentiments qui ne sont pas exactement ceux qui ont inspiré ce texte, avec des pensées, des idées étrangères, qui lui sont personnelles ; il en tire des explications qui n’ont rien à voir avec les paroles écrites. […]

    Auteur qui écrit, acteur qui s’anime, spectateur qui écoute, et lecteur, commentent chacun à sa façon. […]

    Le comédien s’appuie sur son texte. Ce texte qu’il fait sien jusqu’à ce point même qu’il le prend à son compte par une expropriation obligée, qu’il s’en croit créateur. […] Ainsi il a l’illusion – parmi tant d’autres qu’il subit et qu’il procure –, il a, dis-je, l’illusion de penser, de parler, de dire. […] Il a une façon de penser qui est de sentir haut. »

    À demain pour la première d’Elvira !
     
    Clémence Hérout

  • Tranches napolitaines • Perspective





     
     

  • La Maison Jouvet • Perspective






     
     

     
     

     
     

  • Les doigts dans le nez • La corde verte du lapin qui siffle




    La création des Chevaliers de la table ronde de A à Z, suite et fin ! Aujourd’hui, dernier épisode : la création du spectacle proprement dite, c’est-à-dire les répétitions qui ont commencé quelques semaines avant la première.
    Se sont retrouvés à l’Opéra de Bordeaux pour cinq semaines de travail sur scène les chanteurs, le chef d’orchestre, le chef de chant, le metteur en scène et ses assistants, les chorégraphes, le créateur des lumières ainsi que l’équipe technique et administrative.


    Pierre-André Weitz, le metteur en scène, scénographe et costumier, explique avoir réglé une grande partie de la mise en scène en amont : « je travaille beaucoup au préalable les intentions de jeu et ce que les chanteurs feront sur scène. Les chanteurs sont ainsi très libres, car une fois qu’ils savent par où ils entrent et ce qu’ils doivent faire concrètement, la marge d’interprétation leur revient. Nous avons d’ailleurs eu la chance de répéter très vite avec les décors et accessoires sur le plateau. » Il faut dire que Pierre-André Weitz a passé l’année précédente à fabriquer les décors et costumes lui-même avec l’aide de ses assistant•es.

    Damien Bigourdan, qui tient le rôle du doc Rodomont, rappelle que les chanteurs doivent se présenter au premier jour des répétitions « avec texte et partition sus. Cela ne veut pas dire qu’on les sait parfaitement : c’est même presque impossible – voire pas recommandé, car si on les sait trop bien, on ne peut plus inventer.
    J’arrive avec une connaissance très précise du livret : je le connais quasiment par cœur, mais j’ai besoin de l’avoir en main pendant encore deux ou trois jours. À la deuxième répétition de chaque scène, je me libère du texte. Le par cœur arrive avec le travail de plateau.
    J’ai donc travaillé seul chez moi pendant plusieurs mois sur la partition et le livret. Cela consiste beaucoup à lire, relire et rerelire à voix haute... Les gens se font souvent une montagne du par cœur, mais c’est en fait c’est le plus facile : il s’agit simplement d’une mécanique de mémoire. »

    Christophe Grapperon, le directeur musical, rappelle que l’on alterne d’abord des sessions musicales, où sont abordés uniquement les aspects musicaux, et les sessions scéniques, où l’on se concentre sur les aspects théâtraux. L’alliance des deux se met ainsi en place peu à peu : « dès que l’on pense à la musique, la scène disparaît. Il faut essayer de gagner dans l’un et dans l’autre. En s’attardant sur des passages, en remettant le métier sur l’ouvrage, les deux finissent par se rejoindre.
    Je n’aime pas travailler tout d’emblée, préférant poser d’abord un cadre musical qui sera ensuite oublié en scène avant d’être réintroduit au fur et à mesure. La scène changera naturellement des choses dans la musique : il n’est pas possible de plaquer la musique sur la scène. Cette construction est passionnante. Il n’y a pas une seule manière de faire la musique. »

    Les instrumentistes rejoignent la production seulement six jours avant la première : les quatre premières semaines, les chanteurs ont été seulement accompagnés par le pianiste et chef de chant Nicolas Ducloux, qui explique : « les musiciens arrivent normalement avec la partition déchiffrée au préalable chez eux. Deux répétitions avec l’orchestre seul sont consacrées à lire l’intégralité de la partition, avant de passer aux répétitions scéniques.
    Les instrumentistes répètent beaucoup moins dans un spectacle lyrique mis en scène, car ils ne jouent pas la musique par cœur, ils n’ont pas de rôle à interpréter, ils ne dansent pas, ils ne jouent pas la comédie, ils ne se déplacent pas, ils ne changent pas de costumes… »

    Christophe Grapperon complète : « quand l’orchestre arrive, tout est réglé : on n’a plus de doute sur ce qu’on va jouer ni comment. Il y a malgré tout des ajustements à apporter, car c’est différent de jouer avec un piano seul et avec un orchestre, qui prend plus d’espace autant physique que sonore, introduit des variétés de timbres, peut modifier des tempos... Il faut faire en sorte que les ajustements à apporter avec l’arrivée de l’orchestre soient d’ordre marginal. »

    Le chanteur Damien Bigourdan ayant glissé tout à l’heure que retenir le texte et la partition constituait la partie la plus facile, on l’interroge sur la tâche la plus difficile : « le plus difficile, c’est la gestion de l’énergie : c’est très éprouvant physiquement, au point qu’on n’arrive pas à finir les scènes au début. Ça va vite, c’est dur… C’est purement technique, mais il faut que le corps comprenne comment gérer les énergies et la voix de bout en bout. L’énergie de la troupe était tellement impressionnante qu’on pouvait se porter les uns les autres. Le soutien permanent offert par Pierre-André Weitz et Christophe Grapperon était également essentiel.
    Le talent est une chose, mais il faut bosser tous les jours. Notre métier consiste à faire en sorte que tout ce travail réalisé en amont disparaisse lors des représentations, à donner l’impression que cela a été fait les doigts dans le nez. »

    Pierre-André Weitz ajoute : « nous avons travaillé dans la joie et la bonne humeur, sans réelles difficultés. On a énormément ri, ça c’est sûr. Mais tous les metteurs en scène doivent vous dire la même chose… » [Non, NDLR].


    Une fois la première passée, « le plus gros travail arrive », comme le détaille Christophe Grapperon. « On joue un répertoire bouffe, et on le joue de nombreuses fois. Réussir à rester frais et neuf à chaque représentation est une tâche colossale. Il faut avoir cette perspective en tête dès le début : on va jouer ce morceau soixante fois, et il faut trouver de quoi moudre soixante fois.
    On fait très souvent des raccords, c’est-à-dire des répétitions de moins d’une heure sur des détails, avant les représentations. Un raccord est d’abord là pour se dire bonjour en musique et être ensemble. Il consiste ensuite à éviter de tomber dans la routine. Si une chose est faite par automatisme sur scène, on essaie de la refaire en raccord pour trouver un élément nouveau. D’un point de vue technique, le raccord sert enfin à mettre un peu d’huile si quelque chose s’est un peu grippé, ou à résoudre un problème ».

    Pierre-André Weitz précise que, contrairement à beaucoup de metteurs en scène, il ne fait pas de séances de notes, qui consistent principalement à pointer les problèmes survenus sur une représentation : « les acteurs et chanteurs savent quand ils ne sont pas bons, donc je n’en rajoute pas. Il m’arrive parfois de faire des rappels, en soulignant à l’équipe qu’on est là pour parler aux étoiles, faire revivre les morts, faire rire, être heureux et être ensemble avec le public. Nous ne sommes pas des bourgeois, mais des saltimbanques. Si les artistes ont de la joie d’être sur scène, le public le verra. Le fait d’être là, de traîner dans les loges, suffit : les mots ne sont pas toujours nécessaires. »


    Il faut ensuite partir en tournée, qui se réalise dans des lieux très différents.
    Selon les salles, Pierre-André Weitz pouvait « retravailler la mise en place. Pour les grandes scènes, j’ouvrais l’image, c’est-à-dire que les places des acteurs étaient changées pour remplir le cadre de scène. J’opérais des vérifications d’espace et d’acoustique, en m’installant par exemple au dernier rang pour vérifier qu’on entendait bien. Mais il n’y a jamais eu de grand changement : en tant que scénographe, j’avais travaillé chaque plan avec mes assistants ».

    L’équipe administrative et de production a beaucoup de travail après la première : il faut organiser la tournée, qui consiste à faire se déplacer une trentaine de personnes, des décors et des costumes, mais aussi gérer les éléments comptables, financiers et juridiques. Concrètement, cela consiste à assurer les transports, hébergements et repas, la location de camion, les contrats avec les salles, les contrats de travail de l’équipe, la paie, la gestion d’imprévus et tout un tas de petites choses allant du nettoyage des costumes au rachat de maquillage en passant par les retards de train et l’heure du petit déjeuner à l’hôtel.

    Les responsables de la production sont en effet les premiers interlocuteurs de toutes les personnes intervenant sur le spectacle, mais aussi du personnel des théâtres accueillant les représentations, et sont présents tous les jours. Loïc Boissier, le délégué artistique de la compagnie des Brigands, raconte : « après la première, on apporte surtout des réponses : est-ce qu’il y a du gluten, est-ce qu’on a été bons, est-ce que la salle est pleine, est-ce que l’hôtel est loin… Il faut aussi pouvoir donner des éléments aux personnes chargées de la presse et des relations au public ».
    Dans la continuité de Christophe Grapperon, il estime aussi que le spectacle est un « organisme vivant qu’il faut accompagner, voire parfois violenter pour éviter de rentrer dans une routine. L’enjeu d’une tournée n’est pas d’accumuler des dates, mais de raconter l’histoire d’un spectacle, d’une compagnie, d’une salle. Chaque nouvelle soirée est une pierre supplémentaire dans un itinéraire que je ne veux jamais banaliser. J’aime bien me dire que rien n’est acquis : si le public chauffe le spectacle, il peut parfois le cuire : j’aime qu’on fasse en sorte de continuer à trouver une certaine fraîcheur ».

    La tournée de la saison suivante se prépare également, car Les Chevaliers de la table ronde se sont joués sur 2015-2016, puis 2016-2017. Il faut convaincre des directeurs/trices de salle de venir voir le spectacle et de le programmer dans la saison suivante, mais, et c’est l’une des principales difficultés, à une date où tous les artistes sont disponibles !... Cela peut conduire à renoncer à des dates ou décider de remplacer certaines personnes.
    Après les représentations à l’Athénée (qui se terminent après-demain : ne tardez pas !), Les Chevaliers de la table ronde se joueront à Besançon, Limoges et Sénart en février-mars.

    Bonne fin de semaine à tous !

    Clémence Hérout

  • Ce que je pourrai faire • Coulisses




    Après les photos d’Oh-la-la oui oui côté techniciens et côté musiciens, je vous propose aujourd’hui d’aller chez les deux chanteurs du spectacle, Emmanuelle Goizé et Gilles Bugeaud, accompagnés des paroles de la chanson Ce que je pourrai faire qui, à la période des bonnes résolutions, vous apprend à bien gérer votre budget.

    Elle est extraite de l’opérette Un soir de réveillon de Raoul Moretti et Albert Willemetz (1932). Et bonne année bien sûr !


    « - Quand on s’établit en ménage, il faut établir son budget.
    - Monsieur, c’est en effet très sage, exposez-moi tous vos projets.
    - Je ne suis pas, j’estime, ni ladre, ni grigou...
    - Mais je vois que pour vous cinq centimes ça fait tout de même un sou
    - Il ne faut pas, je le soutiens, vivre au-delà de ses moyens !… Eh bien !
     
     

     
    - Voilà ce que je pourrai faire...
    - Dites ce que vous pourrez faire.
    - J’ vous donn’rai trois mill’ francs par mois...
    - C’est beaucoup, trois mill’ francs pour moi !
    - Mais vous devrez payer, ma chère, la blanchisseuse, la couturière, le gaz et l’électricité.
    - Enfin tous les petits à-côtés !
    - Vous ferez vos robes vous-même.
    - Je ferai mes robes moi-même.
    - Vous ferez aussi vos chapeaux.
    - Je peux très bien sortir sans chapeau !
     
     
     
    - L’important, n’est-ce pas, c’est qu’on s’aime.
    - L’important, surtout, c’est qu’on s’aime.
    - On peut vivre heureux sans autos !
    - À quoi servirait le métro !
    - Nous aurons ménage modeste, une femme de journée le matin...
    - Et c’est moi qui ferai le reste ; Ça m’occupera, c’est bien certain !
    - Parfois, plaisir très rare, au théâtre nous irons...
    - Nous irons voir jouer L’Avare, sûrement ça vous plaira !
    - Il faut savoir être économe et dépenser le minimum… En somme !
     
     
     
    - Voilà ce que je pourrais faire...
    - Dites ce que vous pourrez faire...
    - Vous recevrez un jour par mois...
    - C’est beaucoup trop un jour pour moi !?
    - Nous ferons avec des intimes un bridge, mais au quart de centime, le soir nous jouerons au loto...
    - Mais pas de l’argent, des haricots !
    - Nous déjeunerons le dimanche...
    - Dans le bois de Meudon, sous les branches.
    - Moi je pensais : chez mes parents !
    - J’avoue que c’est beaucoup plus marrant !
     
     
    - L’important, n’est-ce pas, c’est qu’on s’aime.
    - L’important, surtout, c’est qu’on s’aime.
    - Et que l’on s’entende très bien !
    - Le divorce n’est pas pour les chiens ! »
     
    Bonne année à tous, en vous souhaitant surtout beaucoup d'amour !...
     
    Clémence Hérout

  • Deux pianos • Coulisses




    Oh-la-la oui oui, c’est un spectacle créé par deux chanteurs que vous avez pu voir dans plusieurs spectacles à l’Athénée, Emmanuelle Goizé et Gilles Bugeaud.
    Ce sont aussi trois musiciens : Laurent Delaveau à la contrebasse, Gilles Parodi à la guitare et Laurent Zeller au violon.

    Voici aujourd’hui quelques photos de leurs loges accompagnées des paroles de la chanson Deux pianos, extraite de l’opérette Yes de Maurice Yvain et Albert Willemetz (1928).


    « Dans tout les concerts depuis Doucet et Wiiéner
    Nouvelle méthode
    Nouvelle mode
    Pour accompagner Mistinguett ou Chevalier
    Harry Pilcer Les Dolly Sisters
     
     
     
    Il faut que l’on ait au lieu d’un piano
    À présent deux pianos
    C’est bien mieux car,
    Au fond, deux pianos
    C’est plus nouveau qu’un piano
     
     
     
     
    Comme ça couvre la voix
    Jamais le public ne voit
    Si l’on chante juste ou faux
    Si les couplets sont idiots
    C’est pour ça qu’il faut
    Que l’on ait au lieu d’un piano
    Deux pianos !
     
     
     
     
    C’qu’on aime aujourd’hui
    C’est surtout beaucoup de bruit
    De la musique cacophonique
    Car la symphonie N, I, ni
    C’est bien fini
     
     
     
     
     
    Pour que Chopin fasse plus de potin
    C’est vraiment beaucoup plus beau
    Ça fait surtout bien plus nouveau
    Car un piano c’est rococo
    Puis ça manque d’écho
    Pour faire du boucan il faut
    Que l’on ait au moins deux pianos
     
     
     
    La musique a plus de brio
    Quand il y a deux pianos
    La marche de Mendelsohn
    Se transforme en Charleston
    Faust et son air des bijoux
    Se joue comme un Kinkajou
    C’est pour ça qu’il faut
    Que l’on ait au lieu d’un piano, deux pianos !
     
     
     
     
    Convenez que quatre pianos
    Ça vous fait deux fois deux pianos
    Un jour on n’jouera plus d’piano
    Qu’avec vingt-cinq pianos. »
     
    Bon réveillon à tous !
     
     
    Clémence Hérout

  • Les chevaliers...ronds • Perspective





     
     
     
     
     
     
     

  • Un clown ne mange pas • La corde verte du lapin qui siffle




    Concernant la création des Chevaliers de la table ronde, je vous ai parlé du choix de l’œuvre, de sa transcription et du travail artistique et de production mené très en amont. Le choix des chanteurs est ensuite réalisé rapidement.

    Le metteur en scène Pierre-André Weitz a en effet envisagé la direction d’acteurs assez tôt : « Les Chevaliers de la table ronde mettent en œuvre un comique de situation, de caractère, de geste, de langue, de répétition… Il fallait recréer ce comique de la joie pure, de l’enfance, qui me parlait énormément : en clair, retrouver mon âme d’enfant.
    Je me suis rapidement dit que plus personne ne savait jouer comme cela et qu’il allait falloir réinventer un jeu de troupe et une convention de jeu complètement loufoque, exacerbée, barrée et clownesque. Je me suis inspiré du clown et cinéaste Pierre Etaix, mais aussi de la pensée de Fellini sur les clowns : est-ce que les clowns peuvent encore faire rire ?
    Sur le rideau de scène, j’ai marqué que Les Chevaliers de la table ronde sont un "opéra-bouffe où on ne mange pas", en écho à la réponse d’Annie Fratellini à un journaliste qui lui demandait de quoi se nourrissait un clown : "un clown ne mange pas. Ou peut-être des tartes à la crème"… »


     
    Les auditions sont menées plusieurs mois avant la première. Pierre-André Weitz a son idée pour le rôle principal, celui de Rodomont : « J’ai tout de suite pensé à Damien Bigourdan pour le rôle principal, il fallait qu’il soit là. C’était la base. J’ai parlé avec lui de l’esthétique à laquelle je pensais et de cette convention de jeu, il était très heureux. 
    Nous avons auditionné pour trouver le reste de la troupe. J’ai eu la chance de pouvoir choisir avec Christophe Grapperon, le directeur musical, Alexandre Dratwicki du Palazzetto Bru Zane, et Loïc Boissier des Brigands, les chanteurs que nous voulions. »

    Damien Bigourdan, l’interprète de Rodomont, complète « Je suis arrivé sur la production car Pierre-André Weitz a pensé à moi : il a été mon premier professeur de chant quand j’avais vingt-cinq ans. Il m’avait entendu chanter dans les coulisses d’un spectacle du metteur en scène Olivier Py sur lequel j’étais comédien et lui scénographe, et il m’a donné des cours de chant. Nous n’avions jamais travaillé ensemble en musique, mais nous avons fait beaucoup de spectacles avec Olivier Py. J’ai passé l’audition avec l’air de Rodomont, à l’issue de laquelle ils m’ont confié le rôle. »
     

     
    Nicolas Ducloux, le chef de chant, qui était déjà intervenu sur les premières lectures de la partition, est également présent sur les auditions des chanteurs. Un chef de chant est un pianiste qui accompagne les chanteurs avant l’arrivée de l’orchestre et est capable de les faire travailler en l’absence du directeur musical.

    Une fois le casting réalisé, chacun travaille chez soi pour préparer les premières répétitions. Damien Bigourdan explique : « une fois le livret et la partition reçus, je me suis mis au boulot et j’ai travaillé tous les ensembles. J’ai appris avec le pianiste Alphonse Cemin [que les spectateurs de l’Athénée connaissent en tant que membre de l’orchestre Le Balcon] qui m’a aidé.
    Collaborer avec un pianiste comme Alphonse permet de travailler des textures de voix, de couleurs… Surtout dans l’opéra-bouffe qui offre une liberté impressionnante. Tout seul, je peux apprendre la partition, mais c’est important de travailler avec une personne pouvant faire des retours.
    Christophe Grapperon, le chef d’orchestre, avait des exigences précises sur la diction, mais il nous a laissé une grande liberté sur la couleur de voix et le jeu. Sinon, pour apprendre le texte, je le dis, le redis, et m’amuse… »

     

     
    Six mois avant la première, les chanteurs se sont retrouvés avec le metteur en scène Pierre-André Weitz, le directeur musical Christophe Grapperon et le chef de chant Nicolas Ducloux pour deux jours de travail ensemble, racontés par Christophe Grapperon : « nous avons passé deux jours à lire les textes et la musique, comme un laboratoire. J’avais quelques idées, mais il fallait voir si cela correspondait aux chanteurs. 
    Ces deux jours ont permis de saisir l’esprit du spectacle, d’essayer beaucoup de choses. Ce n’était pas le moment des indications techniques, car nous avions choisi d’aller dans le caractère et l’invention. Nous nous sommes laissé beaucoup de liberté en nourrissant l’imaginaire, en nous donnant des images, en créant des situations, même si elles étaient décalées. J’aime beaucoup pratiquer le contrepied, par exemple travailler un air rapide comme un motet ou une romance comme un air à boire, ou alors en s’inventant des films, des histoires qui ne sont pas forcément celles qui seront sur scène. »


     
     
    Pour Pierre-André Weitz, « Christophe Grapperon est un ange. On était toujours d’accord et on riait toujours ensemble. Ce n’est pas une collaboration, c’est une amitié qui est née. Sur ces deux jours de laboratoire, Christophe Grapperon donnait des intentions de mise en scène et moi des intentions musicales ! Une fois définies les conventions de jeu, il fallait vite mettre en scène. »

    Les artistes se sont ensuite tous retrouvés seulement cinq semaines avant la première, qui a eu lieu le 22 novembre 2015 à l’Opéra de Bordeaux. Je vous raconterai cette dernière étape de la création début janvier !
    En attendant, profitez bien de vos vacances si vous en avez.

     
    Clémence Hérout


    Photos : Lorraine Wauters

  • C'est pas drôle • Coulisses




    Oh-la-la oui oui, swing lyrique reprenant des extraits d’opérettes ou de comédies musicales, a commencé mardi à l’Athénée, dans la petite salle Christian Bérard.
    Je vous propose de découvrir jusqu'en janvier des photos des coulisses couplées aux paroles de quelques chansons.

    Place aujourd’hui aux technicien•nes préparant la salle et, en cette période de fêtes de fin d’année plus ou moins bien vécues, à la chanson C’est pas drôle, extraite de l'opérette Arsène Lupin banquier de Marcel Lattès et Albert Willemetz (1930)


    « Femme du monde tu t’figures
    Qu’ça procure des joies pures ?
    Moi j’dis qu’c’est une chose rasante,
    Déplaisante, épuisante.

    Il faut dir’ce que l’on n’pense pas
    Et faire des tas d’manières,
    Du schprum, des chichis, des flaflas,
    Ça, c’est pas mes affaires.
     
     

     
    Toute la journée, lambiner, flâner,
    C’est pas drôle.
    Minauder, garder tout l’temps l’air guindé,
    C’est pas drôle.

    On n’peut pas seulement
    Boulotter s’qu’on aime,
    Siffler tranquillement
    Son p’tit café crème.

    Il faut prendre le thé,
    Papoter, flirter,
    C’est pas drôle.


     
    Tout l’temps potiner, débiner, chiner,
    C’est pas drôle.

    Entre nous, mon p’tit,
    C’est pas un beau rôle,
    Dire les pires vacheries
    Sur ses bonnes amies,
    C’est pas drôle.
     


     
     
    On doit chez des gens notoires,
    Faire sa poire, quelle histoire.
    Entendre des choses friponnes,
    Polissonnes, même cochonnes.

    Il faut que l’on dans le Boston,
    Même quand ça vous embête,
    Et comme maintenant c’est d’bon ton
    Courir les bals musette !
    Toute la journée, s’pavaner, crâner,
    C’est pas drôle.
     


     
    Visiter la nuit tous les sales bouibouis,
    C’est pas drôle.
    Danser le tango
    Dans les pires bastringues,
    Avec des julots
    Qui vous font du gringue.
     

     
     
    Voir les petits marlous
    Guetter vos bijoux,
    C’est pas drôle.
    Se sentir pressée, malaxée, pincée,
    C’est pas drôle.

    Arrêter, mater,
    Des mains qui vous frôlent,
    De tous les côtés,
    Être ainsi p’lotée,
    C’est pas drôle. »

     
    Bon noël, joyeux hanouka ou chouette week-end !
     
    Clémence Hérout

  • Oh là là direct • Entretien




    Oh-la-la oui oui, spectacle musical faisant la part belle à la chanson de l’entre-deux-guerres, commence ce soir à l’Athénée !

    Pour l’occasion, j’ai passé trois minutes avec Emmanuelle Goizé, comédienne et chanteuse, que certains d’entre vous connaissent certainement pour l’avoir déjà vue dans de nombreux spectacles des Brigands.

    Diffusé en direct sur les réseaux Périscope et Facebook Live, l’entretien a porté sur la salle où se joue le spectacle, sur ce titre Oh-la-la oui oui, avant de terminer en chanson.

     
     
    Si vous ne voyez pas la vidéo, elle est ici sur YouTube : https://youtu.be/FJMInGGryJI
     

    Oh-la-la oui oui commence dans une heure et se joue jusqu’au 7 janvier !

    À très vite pour la suite.
     
    Clémence Hérout

  • J'ai fait une robe • La corde verte du lapin qui siffle




    Dans l’histoire de la création des Chevaliers de la table ronde, je vous avais laissé au moment où l’œuvre avait été choisie et la partition arrangée et transcrite par Thibault Perrine.
     
    De leur côté, Christophe Grapperon, le directeur musical, et Pierre-André Weitz, le metteur en scène, scénographe et costumier, travaillent à la table.


     (c) Pierre-André Weitz


    Christophe Grapperon explique : « Je prends la partition comme un livre, et je la lis. Je fais éventuellement un retour en arrière si j’ai oublié un élément, mais je la lis comme un roman ». Ensuite, il va et vient entre le livret et la partition en essayant de préciser sa première impression, car « c’est ce que l’auditeur aura ».
    Christophe Grapperon essaiera donc de continuer à se souvenir de ses premières impressions, même s’il s’en éloignera dans la suite du travail. « Je trouvais que c’était une partition échevelée. En particulier le début, qui me paraissait complètement loufoque, incroyable. Je m’exclamais à chaque fois que je tournais une page. L’œuvre me surprenais sans cesse, comme si aucun repos ne pouvait être accordé. Il faut attendre la fin de l’ouvrage pour se poser. »


     (c) Pierre-André Weitz


    Christophe Grapperon mène ensuite des recherches documentaires sur Les Chevaliers de la table ronde et lit des travaux de musicologues ayant écrit sur Hervé et l’œuvre, qui l’éclairent sur le contexte de la partition et l’aident à mieux la comprendre. Il échange également avec Loïc Boissier, le délégué artistique de la compagnie des Brigands, et la Fondation Bru Zane, qui a proposé l’œuvre.
    La question des rôles et de la distribution des chanteurs doit par exemple être interrogée, car elle n’est pas seulement pragmatique : les choix de Hervé en la matière sont par exemple aussi révélateurs de l’écriture musicale, de la langue ou du style. Ensuite, Christophe Grapperon travaille avec Thibault Perrine sur l’orchestration et la transcription dont je vous ai expliqué les grandes lignes il y a quelques jours.


     (c) Pierre-André Weitz


     
    Pierre-André Weitz, le metteur en scène
    , commence de la même manière : la première chose qu’il ait faite a été de déchiffrer la partition en lisant le livret. « Dès la première lecture, j’ai beaucoup ri. Je l’ai immédiatement relue plusieurs fois et, au bout de quatre ou cinq lectures, des images me venaient en tête. »
    Il passe ensuite au concret : « J’ai rapidement besoin de construire un espace : je fais des maquettes, je pense aux personnages, je dessine beaucoup. L’espace que j’imaginais correspondait d’ailleurs déjà à l’Athénée, même si le spectacle a été créé ailleurs. Je fais ensuite des marionnettes : j’invente une mise en scène avec mes petits personnages dans une boîte à chaussures qui représente l’espace créé.
     
    Il faut du temps pour dessiner les costumes, faire des maquettes, jouer aux marionnettes, travailler une partition. Cela m’a pris un an de travail : pas un an complet à plein temps bien sûr, car je travaillais sur d’autres spectacles, mais j’y pensais tout le temps. »



    (c) Pierre-André Weitz


     
    Loïc Boissier, délégué artistique de la compagnie des Brigands, complète : « Pierre-André Weitz a créé un spectacle absolu où il n’a quasiment rien voulu déléguer : c’est son œuf de Fabergé. Parfois, des metteurs en scène envoient des mails pour demander si l’assistante a appelé le régisseur pour qu’il appelle l’administrateur pour savoir si on aurait le budget pour faire un truc qu’il n’est pas vraiment sûr de vouloir. Pierre-André Weitz, lui, t’appelle pour te dire : "j’ai fait une robe". Ce spectacle a éclos comme une boîte de Pandore »
     

    (c) Pierre-André Weitz
     


    Cette période de premières réflexions est aussi celle du montage financier plus précis du spectacle, qui est porté par la compagnie des Brigands et le centre de musique romantique française Palazzetto Bru Zane. Pour les Brigands, c’est le travail de Loïc Boissier assisté d’Élodie Marchal, en collaboration avec les équipes de Bru Zane.

    Concrètement, cela consiste d’abord à évaluer le budget nécessaire pour monter le spectacle (coût de la fabrication des décors et costumes, masse salariale de tous les artistes et techniciens en répétition et en représentation, frais de transport et d’hébergement…). Une fois la distribution des chanteurs décidée, il faudra ensuite convaincre des salles de spectacle d’accueillir ou de coproduire le spectacle avant même qu’il ne soit créé, mais aussi solliciter des subventions ou des soutiens d’autres partenaires.

    C’est ainsi que les décors ont été construits à l’Opéra de Reims et que le spectacle est une coproduction des Brigands et du Palazzetto Bru Zane bien sûr, mais aussi de l’Opéra de Bordeaux (qui a aussi accueilli la compagnie en résidence pour créer le spectacle), du Centre des Bords de Marne au Perreux, de l'Opéra de Limoges et de la Coursive à La Rochelle. Il a également reçu le soutien d’organismes comme ARCADI, la SPEDIDAM et l’ADAMI. Des salles s’étaient également engagées à accueillir le spectacle, qui s’est joué trente-cinq fois en 2015-2016.


     (c) Pierre-André Weitz


     
    Ces partenaires se sont donc engagés au vu des spectacles précédents de la compagnie des Brigands et de Pierre-André Weitz, de la renommée du travail du Palazzetto Bru Zane, mais aussi de celle des chanteurs : nous aborderons donc le choix de la distribution dans un prochain article !
     
    Les Chevaliers de la table ronde se jouent jusqu’au 7 janvier. Demain, commencera en parallèle dans la petite salle Oh là là oui oui, créé par des membres de la compagnie des Brigands.


    Clémence Hérout


  • À vous les studios • Entretien




    C'est aujourd'hui la première des Chevaliers de la table ronde par la compagnie des Brigands ! À 19h, j'ai retrouvé Christophe Grapperon, son directeur musical, pour une interview vidéo flash... en chanson.

    Diffusée en direct sur les réseaux Periscope et Facebook Live, vous pouvez la revisionner ici (ça dure deux minutes)  


    Si vous ne voyez pas la vidéo, elle se trouve ici sur YouTube : https://youtu.be/zQi9s4rEjvM



    Les Chevaliers de la table ronde, un opéra-bouffe de Hervé mis en scène par Pierre-André Weitz et dirigé par Christophe Grapperon (compagnie les Brigands) se joue jusqu'au 7 janvier 2017 à l'Athénée !

    Bon week-end
     
    Clémence Hérout
     

  • On s'arrange • La corde verte du lapin qui siffle




    Je vous racontais lundi le tout début du spectacle Les Chevaliers de la table ronde. Une fois l’œuvre et le metteur en scène choisis, c’est Thibault Perrine qui intervient.

    Thibault Perrine est arrangeur, c’est-à-dire que c’est grâce à lui que tous les chanteurs et musiciens se retrouvent avec une partition. Contrairement à ce que l’on imaginerait en effet, les partitions ne font pas toujours l’objet d’une édition corrigée et lisible : si Les Noces de Figaro de Mozart ou les symphonies de Brahms ont été éditées, revues par des générations de musicologues et rendues disponibles à la location ou la vente, la partition des Chevaliers de la table ronde a dû être reconstituée.

    Dans un premier temps, Thibault Perrine a mené un travail de recherche de sources : la partition originale de Hervé a été retrouvée à la bibliothèque de l’Opéra de Paris, donc non seulement sous une forme manuscrite, mais aussi dans une certaine pagaille puisqu’elle mélangeait plusieurs versions de l’œuvre et reprenait les corrections apportées au fur et à mesure. 
    Il fallait donc d’abord repérer ce qui correspondait à quelle version, déchiffrer un manuscrit pas toujours bien écrit et le confronter à la partition piano-chant (conçue pour que les chanteurs répètent avec un pianiste avant l’arrivée de l'orchestre), qui ne correspondait pas toujours.
    Une fois le manuscrit déchiffré et les deux versions reconstituées, il a été choisi de créer une troisième version reprenant les meilleurs passages des deux originales. 

    Vient ensuite la constitution de l’orchestre. La partition de Hervé a été écrite pour un orchestre symphonique, composé de plusieurs premiers violons, plusieurs seconds violons, plusieurs altos, plusieurs violoncelles, plusieurs contrebasses, deux flûtes, deux hautbois, deux clarinettes, deux bassons, quatre cors, deux trompettes, trois trombones, timbales et percussions – ce à quoi il faut ajouter qu’entre les deux versions des Chevaliers de la table ronde, l’effectif change légèrement. 

    Si les cordes jouent "en pupitre", ce qui veut dire que chaque partie est jouée simultanément par plusieurs instrumentistes (jusqu'à huit pour les premiers violons, par exemple), chaque instrument à vent joue en revanche une partie spécifique. Les instruments à cordes représentent donc plus de la moitié de l’orchestre, mais correspondent seulement à cinq portées de musique dans la partition originale, qui est en fait occupée aux deux tiers par les parties des instruments à vents (bois et cuivres). 
     
    Pour permettre à ses spectacles de tourner dans de nombreuses salles françaises, la compagnie des Brigands a choisi de jouer en petit effectif. L’orchestre que vous verrez à l’Athénée est donc composé de deux violons, d’un alto, d’un violoncelle, d’une contrebasse, d’une flûte, d’un hautbois, d’une clarinette, d’un basson, d’un cor, d’une trompette, de timbales et de percussions (jouées par le même musicien) et d’un piano.

    L’équilibre entre les cordes et les instruments à vent est donc repensé, et la disposition de certains accords modifiée (six instruments à vents remplaçant ici les dix-sept instruments qui jouaient tous une partie différente dans la version originale).  Ajouté par rapport à la nomenclature utilisée par Hervé, le piano endosse quant à lui un rôle discret mais utile en renforçant notamment l’accompagnement. Aucune modification n’est apportée aux lignes de chant.

    Réduire l’effectif d’une partition ne consiste donc pas simplement à diminuer le nombre de musiciens : il faut repenser l’équilibre global de l’orchestre et adopter des dispositions et une écriture spécifiques à l’ensemble instrumental qui va réellement s’emparer de cette musique.

    Pour Thibault Perrine, le piège d’une telle réorchestration consisterait à rester prisonnier de la partition originale : comme si l’on entreprenait de traduire mot à mot un texte écrit dans une langue étrangère, le sens global de l’œuvre serait paradoxalement mal restitué - en restant trop près de la lettre, on en trahirait l’esprit ! 

    Une fois la réorchestration terminée, il faut tout recopier de façon à disposer du conducteur utilisé par le chef d’orchestre, du piano-chant et de la partition de chaque instrument… La création du spectacle peut continuer : je vous raconte la suite la semaine prochaine !

    Les Chevaliers de la table ronde commencent demain soir.
     
    Clémence Hérout

  • Les arts de la table • La corde verte du lapin qui siffle




    Si vous êtes un habitué de l’Athénée, vous savez que le Théâtre accueille toujours la compagnie des Brigands autour des fêtes de fin d’année.
    À partir de vendredi, vous pourrez découvrir Les Chevaliers de la table ronde, un opéra-bouffe avec treize personnes sur scène et treize personnes dans la fosse, sans compter tous ceux que vous ne verrez pas et qui se sont chargés de la production, de l’orchestration, de la transcription, des costumes, des lumières, des chorégraphies…

    Pour les artistes et techniciens, les séances de travail qui auront lieu à l’Athénée cette semaine auront vocation à monter le décor et les projecteurs, prendre ses marques dans cette nouvelle salle, répéter le spectacle, vérifier que tout marche, entendre comment ça sonne, adapter les déplacements par rapport au plateau et aux lumières, placer les accessoires…
    Mais à quoi ressemblaient les séances de travail d’il y a deux ans, lorsque la compagnie a commencé à réfléchir au projet ? En bref, comment monte-t-on un opéra, du choix de l’œuvre aux dernières représentations ? C’est le sujet que nous allons aborder dans une enquête à paraître sur le blog en cinq articles.


     (c) Gallica
     
     
    Loïc Boissier, délégué artistique de la compagnie des Brigands, raconte que c’est le Palazzetto Bru Zane qui a contacté la compagnie : le Palazzetto Bru Zane a pour vocation de favoriser la redécouverte du patrimoine musical français de 1780 à 1920. Désireux de mettre en avant le répertoire de l’opéra-bouffe, ils ont suggéré plusieurs partitions de Hervé (1825-1892) : la proposition tombait d’autant mieux que, comme le directeur musical Christophe Grapperon l’explique, les Brigands voulaient justement monter depuis longtemps une œuvre de Hervé.
    Parmi les partitions proposées, ce sont Les Chevaliers de la table ronde qui ont remporté le plus de suffrages après discussion entre Bru Zane, Loïc Boissier, Christophe Grapperon et Nicolas Ducloux, le chef de chant.

     

    Hervé
     
     
    Pour Christophe Grapperon, c’est la richesse de la partition des Chevaliers de la table ronde qui s’impose d’emblée : de retour d’exil, Hervé répond à une commande du théâtre des Bouffes Parisiens auparavant dirigé par Offenbach. Le théâtre est important, les chanteurs disponibles de très haut niveau, le public nombreux…
    Hervé veut rattraper le temps perdu et profiter de l’occasion pour montrer tout ce qu’il sait faire, donnant à sa partition des allures de catalogue complètement loufoque. Il fait surtout ce qui lui chante en se souciant peu de savoir si c’est en accord avec son époque ou non, persuadé que c’est drôle du moment que ça le fait rire.




     (c) Gallica
     
     
    Une fois la partition choisie, Loïc Boissier souhaite trouver son metteur en scène avant de valider définitivement le projet. En tournée de La grande Duchesse, il évoque la question avec Antoine Philippot comédien et chanteur, en lui confiant qu’il aimerait trouver quelqu’un « capable de manger cet ouvrage, de se mettre à table et d’y aller franchement, mais qui connaît également ce style de musique ».

    Antoine Philippot a travaillé avec le metteur en scène Olivier Py et son scénographe et costumier Pierre-André Weitz, lequel est également professeur de chant. Connaissant aussi son goût pour le burlesque, il glisse le nom de Pierre-André Weitz à Loïc Boissier, qui est allé lui remettre la partition quelques jours plus tard.

    Pierre-André Weitz raconte que c’est exactement ce dont il rêvait : monter un spectacle de A à Z, dans ce répertoire, avec ce livret. Il a rappelé Loïc Boissier le lendemain pour le lui dire.

    Nous sommes mi 2014, l’aventure des Chevaliers de la table ronde par Les Brigands est lancée !

     
    Clémence Hérout

  • Au pied de la cascade • La corde verte du lapin qui siffle




    Vendredi dernier, nous avons abordé les images qui ont inspiré la scénographie de l’opéra L’île du rêve. Hier, nous avons précisé la scénographie qui a été imaginée.

    Nous passons aujourd’hui à l’étape concrète de la conception et de la fabrication du décor, qui doit prendre en compte la réalité financière du spectacle, les possibilités techniques des salles accueillant le spectacle, le transport et le temps de montage des éléments, la mise en lumière, la transposition dans la réalité des idées de mise en scène et la réception des spectateurs.

    La créatrice des lumières, Anne Terrasse, a été associée à la réalisation de la scénographie dès le début, car l’éclairage d’un décor est primordial dans son rendu.

    Amélie Lauret, la collaboratrice artistique à la scénographie, explique : « je réfléchis à des procédés visuels et des dispositifs pratiques mettant en valeur les idées que nous avons eues. Je modélise ainsi le décor en trois dimensions sur un logiciel dédié. Comme une maquette, cela permet d’avoir une idée concrète du décor et des matériaux utilisés. On ne peut pas valider une scénographie si on ne sait pas comment la fabriquer… 



     @Amélie Lauret
     
     
    Pour créer le paysage de Tahiti, Amélie Lauret et le metteur en scène Olivier Dhénin ont par exemple choisi de reproduire des peintures de John Webber sur plusieurs panneaux disposés en perspective, donnant l’impression que les chanteurs évoluent dans un paysage en relief.

    Pour Olivier Dhénin, « l’image flotte et apparaît dans cette sorte de boîte magique où une représentation de Tahiti est reproduite et retravaillée en reprenant un tableau d’il y a deux cent cinquante ans sur un matériau contemporain ».
    Amélie Lauret complète : « le procédé amène du rythme et du volume dans l’image. Les plaques peuvent se superposer et créer un buisson, ou donner l’impression que les acteurs passent dans le paysage ».



     @John Webber View of Otapia Bay in Otaheite

     
    Amélie Lauret explique avoir choisi le plexiglas après plusieurs tests sur des échantillons, car ce matériau permet de créer à un coût raisonnable un jeu de transparence tout en offrant de nombreuses possibilités d’opacité et de couleur.



     @Amélie Lauret
     
     
    Le palais présent dans l’œuvre est seulement suggéré : des bandes de plexiglas colorées sont ainsi placées comme des arcades.

    Trois photographies de Paul-Émile Miot sont également imprimées sur deux bâches de sept mètres sur trois pour occuper toute la largeur du plateau dans le fond. Ces photos qui ouvrent chaque acte de l’opéra étaient projetées sur les précédentes représentations de L’Île du rêve, mais ont dû être imprimées pour l’Athénée dont la configuration ne permettait pas d’accueillir le cyclorama (qui sert de surface de projection).



     @Compagnie Winterreise
     
     
    Enfin, une cascade présente dans des dessins réalisés par Pierre Loti lui-même est évoquée par un voile aluminium mis en lumière : Olivier Dhénin indique avoir essayé de projeter l’image de la cascade ou de la reproduire avant d’abandonner l’idée de la représenter, car elle lui paraissait finalement irreprésentable. Il explique qu’il s’agit de « donner une amorce au spectateur pour qu’il puisse rêver cette île du rêve ».

    Ces plaques métalliques au sol évoquent également les passerelles des bateaux dans cette histoire où il est beaucoup question de marins.



     @Pierre Loti
     
     
    Olivier Dhénin explique également avoir souhaité des tranchées pour l’acte 1, mais avoir dû renoncer à cette idée pour des raisons techniques : comment les reboucher avant l’acte 2 ?

    Si le plexiglas et les bâches ont été réalisés par des fournisseurs sous la direction d’Amélie Lauret, les lattes de bois symbolisant la forêt et les plaques d’inox et d’acier au sol faisaient partie du stock de décors de la compagnie. Des tests de fabrication et d’impression ont été réalisés, mais l’équipe a découvert l’intégralité du décor à sa livraison à l’Athénée, quelques jours avant le spectacle.
     

     @Compagnie Winterreise
     

    Entre la décision de monter L’Île du rêve et ses premières représentations, il se sera donc écoulé environ une année pendant laquelle l’équipe artistique et technique a réfléchi à la mise en scène, la scénographie, les lumières, les costumes, les maquillages ou les accessoires.

    De votre côté, pour découvrir L’Île du rêve, il ne vous reste que trois jours : ce soir, demain et dimanche à 16 h.
    Bon week-end !

     
    Clémence Hérout

  • L'île noire • La corde verte du lapin qui siffle




    L’opéra L’Île du rêve de Reynaldo Hahn d’après Pierre Loti a commencé avant-hier à l’Athénée. La semaine dernière, nous évoquions les sources d’inspiration pour le décor avec Olivier Dhénin, son metteur en scène, et Amélie Lauret, collaboratrice artistique à la scénographie.


    Une fois le travail sur les images sources réalisé, il faut imaginer le décor. Pour cette étape, Olivier Dhénin insiste sur le peu de représentations existant de Tahiti au 19e siècle où se déroule L’Île du rêve, mais aussi sur le caractère inédit de cet opéra qui n’avait pas été joué en France métropolitaine depuis sa création :

    « c’est compliqué de représenter un paradis perdu alors que tout le monde a une image de Tahiti aujourd’hui. Nous voulions éviter une image folklorique et rendre la mémoire de ce qu’était Tahiti à l’époque de Pierre Loti et Reynaldo Hahn — et ce d’autant plus que c’est la première fois que l’œuvre est jouée à Paris depuis sa création.
    Nous pourrions proposer une interprétation complètement décalée si de nombreuses versions de L’Île du rêve avaient été données : mais il s’agit ici d’une œuvre qui a été oubliée pendant cent vingt ans, et que nous redonnons à découvrir. On lui doit un certain respect, car les spectateurs vont recevoir un opéra qui était perdu et qui reprend vie devant eux envers et contre tout. Cela fait dix ans que le directeur musical, Julien Masmondet, veut le faire.

    C’est parce que nous nous sentons investis de quelque chose que nous avons plutôt opté pour une démarche un peu historique. Je me suis donc appuyé sur des documents d’époque que personne ne connaît : beaucoup croient que les Tahitiens sont habillés en paréo avec des colliers de fleurs, mais cela appartient plus à un certain imaginaire colonial.
    On nous dit parfois que les décors et costumes de notre Île du rêve sont austères, mais les gens étaient habillés comme ça. Quand on regarde les photos de la création de L’Île du rêve à l’Opéra comique à l’époque, les chanteuses ont aussi des robes noires. »

    Si l’équipe a opté pour une vision historique, elle n’a pas opté pour autant pour la reconstitution littérale : le Tahiti du 19e siècle est ainsi évoqué avec des matériaux contemporains comme le plexiglas.

    Pour Olivier Dhénin, « le plus difficile a été de construire le paysage : c’est un paysage lointain qui fait aussi figure de jardin d’Éden. Mais je ne voulais pas risquer le kitsch d’un jardin d’Éden et donner à voir la dimension tragique de cette histoire très dure.
    Même si l’opéra s’appelle L’Île du rêve, il est très ancré dans l’histoire. Le roman de Loti dont il s’inspire est d’ailleurs très factuel : et même si Loti s’inscrit plus dans un rapport de découvreur que de colonisateur, la dimension coloniale ne pouvait être évitée. Cette dénomination d’Île du rêve est en fait un piège : ce n’est pas du tout une île de rêve !».


    Rendez-vous demain pour aborder l’étape de la fabrication 
    ! Et pour voir la scénographie de L’Île du rêve en vrai, c’est à l’Athénée jusqu’à dimanche.

     
    Clémence Hérout

  • L'île des rêves exaucés et déçus • Pleins feux





     
     
     
     
     
     

  • En direct de l'Athénée • Entretien




    Ce soir, c’est la première de l’opéra L’Île du rêve à l’Athénée ! Il y a une heure, j’ai retrouvé Olivier Dhénin, son metteur en scène, pour une interview en moins de trois minutes diffusée en direct sur les réseaux sociaux Périscope et Facebook live.

    Je lui ai demandé quelle était la première pièce qu’il ait vue à l’Athénée, ce qu’il allait faire d’ici la première et d’où il allait regarder la représentation.

    C’est à retrouver ici :





    Cliquez ici si vous ne voyez pas la vidéo.


    L’Île du rêve se joue jusqu’à dimanche !

    Clémence Hérout


  • Partez à Tahiti ! • La corde verte du lapin qui siffle




    L’opéra L’Île du rêve commence mardi. Composé par le Français Reynaldo Hahn en 1891 (il n’avait alors que dix-sept ans !), il s’inspire du roman Le Mariage de Loti de Pierre Loti.

    L’équipe artistique ayant souhaité refaire toute la scénographie du spectacle pour ces représentations à l’Athénée, j’ai voulu leur faire parler de ce travail : comment imagine-t-on une scénographie au tout début d’un projet artistique ? De quoi s’inspire-t-on ? À quoi doit-on réfléchir ? Comment construit-on concrètement le décor ?

    Éléments de réponses avec Olivier Dhénin, le metteur en scène, et Amélie Lauret, collaboratrice artistique à la scénographie.

    Olivier Dhénin : « Nous avons commencé à travailler environ un an avant la première. Pour L’Île du rêve, le plus dur a été précisément de représenter cette île du rêve : la dénomination est fatale, car les rêves sont toujours très personnels. Comment représenter un lieu qui n’a jamais existé que dans l’imagination ?
    J’ai beaucoup écouté l’opéra, et relu le livret : il fallait d’abord trouver le lieu principal de l’œuvre à donner à voir sur scène. La première chose que nous avons cherché à faire, c’est donc de représenter Tahiti à l’époque de Pierre Loti.

    Comme j’ai un esprit très pictural, j’ai cherché sur quel peintre m’appuyer – dans mes mises en scène, je cherche en effet à concevoir des tableaux. Je pense qu’on a besoin de belles images, car le spectacle est aussi un art de la contemplation. »


    Amélie Lauret complète : « Nous avons commencé par mener un important travail de recherches pictographiques pour nous créer une base commune d’images où figurent les références que chacun imagine pour construire un dialogue »


    Les premières images mobilisées pour L’Île du rêve sont des photographies de Gustave Viaud qui, comme son nom ne l’indique pas, est le frère de Pierre Loti. Olivier Dhénin et Amélie Lauret ont retrouvé quelques-unes de ses vues de Papeete prises avec un appareil photo exigeant des temps de pause d’environ un quart d’heure et datant de la fin du 19e siècle.

    Gustave Viaud - Papeete, le bord de mer
    Gustave Viaud - Papeete, le bord de mer




    Paul-Émile Miot, officier de marine et photographe, a pris des images de Tahiti à peu près à la même époque, mais beaucoup, pour Olivier Dhénin, « correspondent vraiment à une vision européenne de Tahiti ». Quelques-unes de ces photographies sont projetées pendant le spectacle.

    Paul-Émile Miot - Baie de Papetoai ou baie de Cook, Moréa
    Paul-Émile Miot - Baie de Papetoai ou baie de Cook, Moréa



    L’équipe trouve ensuite des tableaux de John Webber, qui a accompagné le navigateur James Cook dans sa troisième expédition dans le Pacifique de 1776 à 1779.

    Plusieurs de ses peintures ont été reproduites sur des panneaux de Plexiglas disposés sur scène, donnant ainsi à voir une « image qui flotte dans cette sorte de boîte magique où une représentation de Tahiti apparaît, mais par un tableau d’il y a 250 ans reproduit sur un matériau contemporain » (Olivier Dhénin)


    John Webber - View of Otapia Bay in Otaheite
    John Webber - View of Otapia Bay in Otaheite



    On pense souvent à Paul Gauguin quand on s’imagine Tahiti, mais Olivier Dhénin s’en est au contraire un peu éloigné : « s’il est important de s’appuyer sur différents mémoires et points de vue pour construire sa propre vision de Tahiti, créer des costumes directement inspirés de Gauguin aurait sans doute écrasé tout le reste. Cela dit, il a aussi fait des gravures où l’on retrouve un esprit très contemporain : c’est très brut, non amalgamé par les couleurs. 


    Paul Gauguin - gravure destinée à illustrer son texte Noa Noa
    Paul Gauguin - gravure Auti te pape, destinée à illustrer son texte Noa Noa


    J’ai cependant gardé les poses de ses personnages, qui m’ont inspiré pour les actions du chœur au plateau : c’est dans cette léthargie, cette langueur que la part de Gauguin reste dans le spectacle. Ses tableaux apparaissent dans des tableaux corporels eux-mêmes insérés dans un tableau scénographique. Dans la scène du bal, les choristes prennent ainsi brièvement une pose reprenant un tableau de Gauguin.


    Paul Gauguin - D'où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ?
    Paul Gauguin - D'où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ?



    Nous nous sommes aussi amusés à recréer un des tableaux en photo, avec une chanteuse et des figurants. »

    Paul Gauguin - Ta Matete
    Paul Gauguin - Ta Matete




     

     
    Dans le dossier d’images de la compagnie, on trouve également des photos de Greg Semu, un photographe néozélandais dont le travail, d’après Olivier Dhénin, « à l’inverse de L’Île du Rêve qui déplace une culture occidentale dans l’univers de la Polynésie, transpose l’imagerie occidentale dans la culture océanique ».


    Greg Semu - Autoportrait as La Pieta
    Greg Semu - Autoportrait as La Pieta


    Une fois l’esprit visuel de la scénographie déterminé, il faut pouvoir le traduire concrètement sur scène puis concevoir précisément le décor, le construire et le mettre en lumière. Rendez-vous la semaine prochaine pour suivre ces étapes. Et à mardi pour la première de L’Île du Rêve !

    Bon week-end.

    Clémence Hérout



  • Vivons heureux en attendant la mort • Entretien




    Les deux premières parties de ma conversation avec Clémence Massart, qui joue son Asticot de Shakespeare dans la petite salle de l’Athénée, sont déjà parues sur le blog (ici et )

    Nous avons parlé de sa jeunesse, de son passé de trapéziste, de sa mère, de son travail avec Jean Babilée ou Ariane Mnouchkine, de ses représentations au Théâtre du Globe à Londres… Aujourd’hui, nous parlons des textes qu’elles a choisis pour son Asticot de Shakespeare et de sa collaboration avec Philippe Caubère.


    « – Un recueil de Pierre Desproges s’appelle Vivons heureux en attendant la mort : est-ce que cela vous correspond ?

    – Oui. Je dirais même : vivons joyeux, heureux c’est une autre affaire ! Il avait raison. Il était un homme ironique, drôle, lunaire, élégant. C’était un esprit vif, libre et poétique, qui n’avait pas peur de penser, jouait avec l’absurde, et qui s’exprimait comme nul autre. Oui je m’y retrouve tout à fait. Il était une sorte de fou du Roi, un Yorick (dans Hamlet) de l’époque. Coluche aussi en même temps, dans un autre style. Il s’en trouvait quelques autres dans le monde, comme Lenny Bruce ou Woody Allen à New York. 


    – D’ailleurs, pourquoi n’y a-t-il pas de texte de Pierre Desproges dans le spectacle ? Je pense en particulier à son réquisitoire contre Jean-Marie Le Pen dans l’émission Le Tribunal des flagrants délires, où il déclarait entre autres :
    « on peut rire de tout, on doit rire de tout. De la guerre, de la misère et de la mort. Au reste, est-ce qu’elle se gêne, elle, la mort, pour se rire de nous ? Est-ce qu’elle ne pratique pas l’humour noir, elle, la mort ?
    Regardons s’agiter ces malheureux dans les usines, regardons gigoter ces hommes puissants boursouflés de leur importance, qui vivent à cent à l’heure. Ils se battent, ils courent, ils caracolent derrière leur vie, et tout d’un coup ça s’arrête, sans plus de raison que ça n’avait commencé, et le militant de base, le pompeux PDG, la princesse d’opérette, l’enfant qui jouait à la marelle dans les caniveaux de Beyrouth, toi aussi à qui je pense et qui a cru en Dieu jusqu’au bout de ton cancer, tous, tous nous sommes fauchés un jour par le croche-pied rigolard de la mort imbécile, et les droits de l’homme s’effacent devant les droits de l’asticot. »

    – Cet extrait est formidable, mais lisez Hamlet et vous le retrouverez presque point par point ! Desproges a dit ce texte, voilà qui est fait. Je ne peux plus rien en faire. Le dire ne serait-il pas me justifier ? Nul besoin. Ou alors il faudrait jouer Desproges ! Et Desproges était un humoriste, même de haute volée, c’était encore du domaine de la variété, le début du stand-up en France. J’adore ça quand c’est fort comme avec lui, mais c’est un domaine qui n’est pas le mien, et si je suis tentée par la variété et le music-hall, c’est au bout du compte pour en faire du théâtre. Je demeure au théâtre, même quand je chante Ne chantez pas la mort de Jean-Roger Caussimon ou des chansons réalistes dans mon précédent spectacle La Vieille au Bois Dormant.
    Je ne fais pas de déclarations sur l’actualité ni sur les hommes politiques du moment. Je ne sais pas le faire. Je me déguise, parfois seulement intérieurement, pour jouer des personnages qui jouent des textes, et cela devient des pièces.
    Je préfère jouer le personnage de Vladimir Jankélévitch, à la manière d’un clown qui s’indigne, tempête, hors d’haleine, échafaude sa pensée peu à peu avec fièvre, avec le souci frénétique d’être compris, qui fait le tour complet de la question, jusqu’au bout du bout pour ne rien laisser au hasard. Le public qui a tout suivi est émerveillé d’avoir compris, s’amuse enfin du spectacle de sa réflexion funambulesque, et pour finir, il peut rire de ses lapalissades en cascade. Le texte sur la mort extrait des Carnets d’un jeune homme de Philippe Caubère contient aussi celui de Desproges, mais de manière plus personnelle, plus imagée, et un autre (à mon intention) qu’il fallait jouer, si drôle, et dont l’esprit m’est si proche. Il y a des textes extraordinaires sur la mort dans le monde. J’en aurais trouvé de quoi faire un spectacle d’un mois sans m’arrêter. 


    – Vous avez travaillé avec Philippe Caubère pour monter L’Asticot de Shakespeare. Était-ce incontournable ?

    – Cela s’imposait, oui. C’est difficile de travailler avec quelqu’un qu’on ne connaît pas. Lorsqu’il a commencé à improviser ce qui allait devenir La Danse du Diable, Le Roman d’un acteur et L’Homme qui danse, j’étais là, fatiguée par les tournées du Magic Circus, mais j’étais là surtout au début et ensuite par vagues. J’avais refusé pour cela un beau rôle dans un spectacle de Jérôme Savary. Je n’ai pas réfléchi. Ce devait être comme ça. Une évidence.

    Il m’a vraiment aidée à faire L’Asticot. Nous avons passé 3 mois entiers à composer le spectacle, les personnages, les traductions, les accents… Tout a été travaillé dans le moindre détail. Puis on a retravaillé cet hiver, et au printemps, on n’a pas arrêté. Je ne vois personne d’autre pour faire cela, absolument personne d’autre. J’ai eu de la chance d’avoir pu travailler avec lui, qu’il ait été libre alors.

    On ne se comprend pas toujours sur la manière, nous n’avons pas le même rythme, mais au bout d’un temps on arrive au même point. On finit toujours par se marrer. Le rire, et les larmes, tous proches, une émotion qui permet de comprendre qui rapproche et réunit. C’est l’esprit qui passe dans le corps, c’est physique, nerveux… Ça secoue, ça réveille. Cela relève d’une connivence intime.


    – Est-ce que vous imaginez être à deux sur scène avec Philippe Caubère ?

    – Oui. C’est possible. Nous avons un projet, une pièce que personne ne connaît, mais nous ne sommes pas encore assez vieux pour la jouer. La jouerons-nous jamais ? "Deo volente" comme disait Churchill, ou "Inch’Allah", comme on dit en arabe. Si le diable le veut. »


    Il ne vous reste plus que quelques jours pour voir Clémence Massart et Philippe Caubère à l’Athénée ! Bonne semaine à tous.

    Clémence Hérout

  • Le bide • Entretien




    Après nous avoir présenté La Danse du diable et Le Bac 68 qu’il joue actuellement à l’Athénée et raconté sa première fois sur scène (première partie ici et deuxième Philippe Caubère nous parle aujourd’hui de la metteure en scène Ariane Mnouckhine avec qui il a travaillé, de sa pire expérience de théâtre, de ses rêves de mise en scène et de ses inspirations picturales.



    « – Que vous a appris Ariane Mnouchkine ?

    – Beaucoup de choses : elle a été un Maître pour moi. Elle m’a appris la vie, c’est-à-dire l’art, la politique, l’apprentissage sentimental – je suis tombé amoureux au Théâtre du Soleil, je m’y suis même marié. Quand je dis qu’elle m’a appris la politique, il ne s’agit pas seulement la politique politicienne, mais aussi celle à l’intérieur des groupes, le sens du pouvoir, comment on dirige, comment on met en scène.
    Ariane Mnouchkine m’a appris tout ce qu’un maître doit apprendre à un élève. L’éducation, c’est un tout : la morale, l’esprit… Je suis parti du Théâtre du Soleil avec une braise dans la main, prêt à enflammer le reste.

    Au théâtre, seul compte l’acteur. Même l’auteur est secondaire. Un acteur sans metteur en scène ni auteur peut inventer du théâtre : il suffit que quelqu’un le regarde avec amitié. Alors qu’un metteur en scène tout seul ne peut rien trouver, et un auteur tout seul écrit un livre.



    – Pourquoi avoir dit que votre interprétation de Lorenzaccio en 1979 dans la cour du Palais des Papes du Festival d’Avignon reste votre pire souvenir en tant qu’acteur ?

    – La pièce a été un bide énorme, alors que c’était une grande espérance pour moi. La proposition de jouer ce rôle m’a ramené à mon rêve d’adolescent d’être Gérard Philipe. La déconvenue fut à la mesure de l’espérance : énorme et cruelle. Quand je vous parle de bide, c’était un vrai bide, avec un public qui hurle comme à la corrida.

    Mais comme j’ai un puissant sens de l’humour, j’ai quand même passé trois semaines à Avignon à me marrer. D’autant plus que je jouais avec Bruno Raffaelli et Christine Boisson, qui ont beaucoup d’humour : on rigolait du matin au soir en voyant les critiques et la tête du metteur en scène… même si on sentait que ce n’était pas très bon pour notre carrière.

    J’en ai fait cinq pièces de théâtre quelques années plus tard : je me suis vengé. Mais j’étais triste. D’ailleurs, dans mes pièces, je me suis beaucoup moqué de moi-même. J’ai finalement retrouvé des bribes et je me suis trouvé beaucoup moins mauvais que dans mon souvenir. La mise en scène était ratée, car le metteur en scène était daltonien et avec une mauvaise ouïe, donc en dehors du temps et de l’espace. Avec une mise en scène cohérente, on aurait sans doute obtenu un triomphe. Mais j’en ai tiré une comédie humaine quelques années après…



    – Quelle(s) pièce(s) rêveriez-vous de monter ?

    – Plein. Roméo et Juliette de Shakespeare, La Mouette de Tchekhov, La Locandiera de Goldoni… Ce sont surtout des pièces sur l’amour et les rapports entre hommes et femmes. Le sujet qui m’intéresse le plus est le rapport entre homme et femmes et les histoires d’amour.
    Pour moi, les deux drames de l’Occident sont le chômage et l’incapacité à aimer, la difficulté des rapports entre les hommes et les femmes. Tout ce qui se raconte là-dessus est mensonger : seuls les poètes et les comiques peuvent parler de ça.



    – Imaginons que vous montiez Roméo et Juliette : dans quelle traduction ?

    – Je partirais sans doute de la traduction de François-Victor Hugo, qui est la plus classique, et la transformerais en collaboration avec les acteurs, en intégrant des bribes en anglais. C’est le problème avec les pièces étrangères : même les traductions les plus illustres ne seront jamais le texte original.
    Ce que l’on ressent quand on entend le texte en anglais reste unique. Mon souvenir le plus fort reste les spectacles du Footsbarn Theatre, où l’on entendait à la fois du français et de l’anglais. Même sans comprendre l’anglais, on saisit mieux l’esprit de la langue que lorsque c’est traduit. Mon terrain de chasse étant plutôt les comédiens, j’aimerais faire une traduction produite avec eux, donc presque une adaptation.



    – Est-ce qu’il y a des images (photographies, tableaux…) qui vous parlent, vous inspirent ?

    – Je suis complètement néophyte, même si cela m’intéresse. Je ne peux dire que des banalités… J’aime beaucoup le photographe Henri Cartier-Bresson et tout ce qu’il dit de l’instant décisif.

    Cela dit, j’ai travaillé tout Le Roman d’un acteur avec des photos de Jean-François Jonvelle accrochées aux murs : comme un Don Juan, il a d’abord photographié les femmes avec qui il était, dans l’intimité. Il a ensuite réalisé une série sur les filles d’Aix en prenant des photos dans la rue. Je l’avais rencontré, d’ailleurs. Les photographies de Jean-François Jonvelle s’inscrivent dans l’esprit des années 1970 et leur liberté sexuelle, avec beaucoup de délicatesse. Il y a une sorte de tendresse dans ses photos érotiques, mais aussi une vraie familiarité : ces femmes sont comme des muses. »


    Vous venez de terminer le dernier volet de notre entretien-fleuve avec Philippe Caubère : rendez-vous à l’Athénée jusqu’au 20 novembre pour le voir sur scène dans Le Bac 68 et/ou La Danse du diable.

     
    Clémence Hérout

  • La vieille au bois dormant • Entretien




    Vendredi 14 octobre, j’ai publié sur le blog la première partie de mon entretien avec Clémence Massart, qui joue L’Asticot de Shakespeare en même temps que La Danse du diable et Le Bac 68 de Philippe Caubère à l’Athénée.
     
    Nous nous étions arrêtées sur sa collaboration avec le Théâtre du Soleil dirigé par Ariane Mnouchkine :
     
     
    « – Que vous a appris Ariane Mnouchkine ?

    – Elle m’a appris une certaine idée du théâtre, une haute idée de l’acteur, exigeante, l’acteur qui serait le centre du théâtre. Puis le plaisir de jouer, avec la notion d’un théâtre pour tous.


    – Qu’est-ce qui vous a plu dans la compagnie du Footsbarn Theater, que vous avez rejoint ensuite ?

    – J’ai retrouvé quelque chose d’éternel chez eux : un sens poétique, une aristocratie du théâtre rural que seuls les Anglais savent faire. Ils montaient les pièces de Shakespeare dans la campagne de Cornouailles, sous chapiteau, dans des cours de lycées, dans la rue… Ils avaient des idées poétiques et interprétaient Shakespeare de manière à la fois libre et fidèle à son esprit.
    J’ai aimé ce savoir-faire du théâtre, ce savoir-faire avec rien, de savoir s’accorder une grande liberté tout en s’inscrivant dans une tradition. Et puis ils sont des voyageurs. Je les ai rejoints en Afrique, puis nous avons joué Shakespeare en anglais en Inde, en Irlande, à Paris, et Molière en français en France, en Irlande et en Afrique.


    – C’est justement avec le Footsbarn Theater que vous avez créé L’Asticot. D’où est venue l’idée de monter un spectacle drôle sur la mort ?

    Ce n’était pas le but initial. J’avais quitté le Footsbarn Theater avec qui j’avais bien joué, et bien vécu. On s’est amusés comme des fous. Mais certains projets ne me plaisaient plus. J’avais besoin de reprendre des risques et de travailler à nouveau sur un théâtre où je m’impliquais davantage. Le temps passait, je vieillissais. Je n’avais plus le temps de traîner, de me tromper comme autrefois. Car à l’inverse de ce que le théâtre de l’Athénée affiche dans le métro, "rater mieux", je n’ai plus le droit ni le temps de rater. Au contraire, "il faut faire mouche" à présent, vous dirait l’asticot ! Continuer à prendre des risques, mais pas n’importe lesquels.

    Alors le Footsbarn a été invité au Théâtre du Globe à Londres. Quand je l’ai appris, je leur ai dit : "Là, je viens avec vous !" J’avais joué Don Juan à l’Athénée avec eux, il fallait jouer au Globe ! Ils avaient besoin de toutes les forces vives. J’ai eu l’idée de ce personnage, souvent cité dans l’œuvre de Shakespeare. Je lui ai donné corps. Et le costume blanc que j’avais imaginé a été bricolé dans l’atelier d’accessoires du Footsbarn avec Freddie et sa fille Sophie. J’avais deux interventions chantées en anglais au sein d’une célébration païenne du grand William. Au Globe, ce petit asticot a tout de suite fait mouche, plébiscité par le public et la critique. Comme la mascotte du régiment. 

    En revenant, j’ai dit à ma mère : "ce petit asticot a plu aux Anglais, il pourrait m’amener quelque part. Pourquoi ne ferais-je pas avec lui un spectacle sur la Mort ?". D’autant que j’avais fait un spectacle sur l’amour, Que je t’aime ! puis un spectacle sur la vieillesse, La Vieille au bois dormant. Ma mère n’a pas répondu. Un mois après, elle m’annonçait qu’elle avait un cancer du poumon. Elle est morte un an plus tard, trois mois avant que L’Asticot ne reparte au Globe pour une seconde fois célébrer Shakespeare. L’année suivante, je recréais L’Asticot de Shakespeare à Toulouse, au merveilleux Théâtre Daniel Sorano.


    – Pourquoi avez-vous mélangé français et anglais dans votre Asticot de Shakespeare ?

    – En anglais parce que L’Asticot est celui de Shakespeare, il est né à Londres au Théâtre du Globe, son nom est Mistress Maggot ou bien Lady Worm (Madame Ver). Et en français pour jouer en France, pardi ! »


    Ne tardez pas à aller voir L’Asticot de Shakespare : c’est jusqu’au 20 novembre dans la petite salle Christian Bérard de l’Athénée.

    À bientôt !

    Clémence Hérout

  • Tu te prends pour Flaubert ? • Entretien




    Dans la première partie de notre entretien parue le 3 octobre, Philippe Caubère, qui joue en alternance La Danse du diable et Le Bac 68, nous présentait les deux spectacles. Aujourd'hui il nous en raconte la genèse, avant de se souvenir de sa toute première fois sur scène, à l'âge de 9 ans.


     « – Ces spectacles se sont construits sur des improvisations. Pouvez-vous expliquer concrètement comment vous avez travaillé ?

    – Au départ, je voulais écrire une pièce. J’ai donc commencé à écrire, mais je n’étais pas content du résultat : mes textes ressemblaient à ceux de Pagnol, Mnouchkine, Molière, Dubillard… Clémence Massart [qui joue L’Asticot de Shakespeare en salle Christian Bérard en même temps que les représentations de Philippe Caubère] m’a conseillé d’arrêter de vouloir ressembler aux autres et d’improviser.
    J’ai improvisé la scène avec la ficelle, qui s’est retrouvée dans le spectacle plus tard : l’histoire d’un type au chômage dans le métro qui finit tout seul avec une ficelle. Cette scène décrivait la situation dans laquelle j’étais après avoir quitté le Théâtre du soleil et raté mon aventure belge [un passage à l’atelier théâtre de Louvain-la-Neuve] : j’avais le sentiment qu’il n’y avait pas d’issue, en tout cas qu’il fallait que j’en trouve une autre que me pendre avec une ficelle…

    L’improvisation donnant un monologue, c’est là que l’idée de jouer seul m’est venue – alors qu’au départ, j’imaginais une pièce avec plusieurs personnages. Jean-Pierre Tailhade [comédien et metteur en scène] m’a donné l’idée de jouer Ariane Mnouchkine [fondatrice du Théâtre du soleil, dont Philippe Caubère était membre] de montrer comment elle était.
    Je suis alors devenu Ariane. Je suis aussi devenu ingénieur du son, car j’ai alors improvisé une scène de tournage du film Molière [réalisé par Ariane Mnouchkine, avec Philippe Caubère dans le rôle-titre]. Ce qui est amusant, c’est que cette scène, je l’avais déjà faite, j’avais joué les régisseurs du film à la cantine pendant le tournage. Puis je me suis joué moi aussi. Du coup, le principe de L’Homme qui danse est arrivé d’un coup. Je voulais changer de place à chaque fois que je changeais de personnage interprété, mais Jean-Pierre Tailhade m’a dit : “du moment que tu le vois, le public le voit”. Ensuite, j’ai fait plein de personnages.

    Je me disais qu’au final, je ne jouais jamais celui de Ferdinand. Ce à quoi Jean-Pierre Tailhade m’a répondu : “on s’en fout, Ferdinand c’est nous !”. Ferdinand est comme un double de moi : c’est beaucoup plus difficile d’inventer cela, car je ne peux pas me copier. Je me suis donc inspiré de la profonde identité commune que nous partageons avec Clémence Massart pour m’inventer moi à quatorze ans. Tout le déclic a consisté à copier les autres et le regard qu’ils avaient sur moi, pour sortir de l’idée d’écrire une pièce de théâtre et d’inventer de la fiction.

    Je me suis mis à jouer mes souvenirs, qui étaient beaucoup plus riches que tout ce que j’essayais d’inventer. Finalement, l’imagination est plus pauvre que la mémoire... À partir du moment où je plongeais dans le souvenir, tout ce qui était frais et vivant en moi était inattendu, y compris à moi-même. Les gens me demandent souvent si c’est vrai : je réponds que je n’en sais rien, mais au fond j’invente très peu. Il s’agit de tomber le masque, d’arrêter de faire semblant de ne pas raconter ma vie, de raconter des choses vraies de ma vie avec les vrais noms.

    Pour en faire un spectacle, évidemment c’est une autre affaire. Tout était enregistré sur magnétophone, ce qui me valait des conflits avec Jean-Pierre Tailhade qui m’exhortait au contraire d’essayer de le refaire directement sur scène, ce à quoi je répondais que j’inventais un texte. Il me demandait en retour : “tu te prends pour Flaubert ?” Oui, quelque part, en tout cas j’inventais un texte. Par conséquent, Jean-Pierre Tailhade oubliait exprès d’appuyer sur le bouton du magnétophone, car il était énervé que je prenne autant de soin à mes improvisations. Pour Le Roman d’un acteur en revanche, j’ai utilisé la vidéo.

    J’ai fini par définir un texte très précis appris au mot près pour lutter contre la mort. Mais une fois la confiance en moi reprise, la logique de l’improvisation devant le public revenait. Le spectacle dure ainsi trois heures aujourd’hui alors qu’il n’en faisait que deux au début. J’ai même fait une version intégrale qui a duré vingt-quatre heures.



    – Pouvez-vous raconter votre première fois sur scène ?

    – Alors que j’étais en cours moyen première année, la maîtresse a proposé de monter la pastorale, c’est-à-dire la crèche, qui se joue dans les villages en provençal. Là, c’était à Marseille, donc nous avons joué en français. La maîtresse a annoncé que “comme c’est Philippe qui ressemble le plus à une fille ici, c’est lui qui fera la poissonnière”. La réplique a déclenché l’hilarité générale, alors que moi j’étais très fier que la maîtresse me distingue de cette manière.

    J’ai appris mon texte et l’ai récité à mon père, qui m’a expliqué qu’il ne fallait pas jouer le théâtre ainsi. Il m’a emmené sur le vieux port pour voir les poissonnières afin que je m’en inspire. C’est là que j’ai appris que mon père rêvait d’être acteur, et que son père l’en a empêché, l’obligeant à faire HEC pour reprendre l’usine. Quelque part, j’ai un peu réalisé le rêve de mon père. J’ai remporté un très grand succès à la kermesse : c’était étrange, je jouais une femme avec l’accent du Midi, et je faisais rire. C’était presque prémonitoire.

    Une fois adolescent, je rêvais sur Gérard Philipe et Le Cid : je me projetais en acteur romantique avec de grands rôles. Sauf que Mai 68 étant arrivé, le théâtre romantique n’était plus d’actualité. Arrivé au Théâtre du Soleil, Ariane Mnouchkine m’a mis un masque, et je suis devenu un acteur comique.

    Les premiers rôles que j’ai improvisés étaient des femmes. Ma mère, Claudine, ma prof de théâtre… J’ai improvisé peu d’hommes, à part le petit copain Robert et le régisseur fou de La Danse du Diable – c’était Ariane Mnouchkine en fait, mais j’avais trop peur de la jouer.
    À la sortie du spectacle, elle m’a demandé : “Et ce con de la deuxième partie, c’est qui ? Moi ? Tu n’as pas eu les couilles de me jouer… ”. Message reçu : deux ans après, je l’ai appelée pour lui annoncer que j’avais relevé le défi, ou plutôt la provocation. »



    La suite de l'entretien paraîtra dans quelques jours ! Pour voir La Danse du diable et Le Bac 68 de Philippe Caubère et L'Asticot de Shakespeare de Clémence Massart, vous avez jusqu'au 20 novembre à l'Athénée Théâtre Louis-Jouvet.

    Bon week-end ! 
    Clémence Hérout

  • Tomber sept fois, se relever huit • Entretien




    Clémence Massart est la compagne artistique du comédien Philippe Caubère : après l’avoir accompagné sur la création de ses pièces autobiographiques (dont deux épisodes sont en ce moment dans la grande salle de l’Athénée : Le Bac 68 et La Danse du diable), elle joue dans la petite salle son Asticot de Shakespeare, un spectacle rassemblant plusieurs textes sur le thème de la mort (mais c’est drôle !).

    Je l’ai rencontrée dans sa loge avant une représentation pour un long entretien à paraître en plusieurs épisodes sur le blog :


    « – Vous étiez d’abord trapéziste et jongleuse : comment êtes-vous passée au théâtre ?

    – J’ai commencé à suivre les cours de Jean-Laurent Cochet au théâtre Édouard VII à côté d’ici, dans les années 1960, dans les mêmes classes que Gérard Depardieu ou Claire Vernet. J’avais des rêves de tragédie : la comédie ne m’intéressait pas et je ne pensais pas à faire rire.
    En revanche, ma mère était très drôle : elle nous emmenait au cinéma, aux ballets au cirque, aux feux d’artifice… Elle était magnétique, séduisante. Quand je joue Sarah Bernhard dans L’Asticot de Shakespeare, je pense à elle. Je regrette qu’elle n’ait pas vu le spectacle, je pense qu’elle l’aurait aimé. D’ailleurs, la tiare de Sarah Bernhard utilisée dans le spectacle a été faite par ma sœur pour ma mère ; et le manteau rouge que j’utilise pour Sarah Bernhard, Guitry et le Mort joyeux, retrouvé par hasard après sa mort, vient de ma cousine, qui était styliste et qui l’avait conçu dans l’idée de constituer sa propre collection : il y a ses initiales derrière le manteau.

    Le spectacle est aussi un hommage à mon oncle, le danseur et chorégraphe Jean Babilée que j’ai vu danser toute ma vie, à 7 ans dans Le jeune homme et la Mort avec ma tante Nathalie Philippart, ballet fondateur dans ma vie. Il est mort il y a deux ans. Il est souvent venu voir L’Asticot, et j’étais bouleversée quand il venait. Et aujourd’hui, jouer dans cette petite salle de l’Athénée qui porte le nom de Christian Bérard, le peintre et décorateur des Ballets des Champs-Élysées qui travaillait avec Cocteau, Roland Petit, Babilée et ma tante, et que j’avais rencontré dans leur loge... C’est un petit signe du destin. 

    Donc j’ai commencé à vouloir faire du théâtre : mais je n’avais de goût que pour la tragédie et pas le physique d’une tragédienne. Je me retrouvais dans des rôles secondaires. Quel ennui, alors que je voulais jouer les égarements de la passion… Je n’étais pas au bon endroit au bon moment, alors je suis partie et j’ai échoué au Cirque d’hiver. J’y ai rencontré des gens adorables exerçant des métiers dangereux et j’ai eu envie de faire de la haute voltige, mais il n’y avait pas d’école de cirque à l’époque. J’ai donc fraternisé avec les Bouglione et on m’a confié un poste de remplacement au chevet de la "poursuite" [le gros projecteur qui suit les artistes]. Puis j’ai rencontré un trapéziste à la retraite qui m’a fait travailler au gymnase de la Cité du midi, dans le quartier de Pigalle à Paris. J’y ai rencontré des acrobates merveilleux, dans une atmosphère voisine de ce que raconte Colette dans La Vagabonde. Il m’a vite monté un numéro de trapèze et un autre de saut périlleux automobile, pour partir pendant trois mois à Copenhague. Je me retrouvais d’un coup à sept mètres, sans longe, sous le ciel étoilé en pleine nuit, donc sans mes repères visuels au gymnase. Je serrais tellement les barres du trapèze que j’avais des crampes atroces et me demandais à chaque fois comment j’allais terminer le numéro. Cela m’a endurcie. Mais j’ai eu la trouille.
    Je suis ensuite partie sur les routes avec un autre partenaire, dans son estafette aménagée : nous avons tourné pendant six ans en France, Allemagne, Espagne… J’ai connu la fin d’une époque avec les cinémas de quartier, les villes de garnison, les camps américains, le Gaumont Palace, les levers de rideau à Bobino de vedettes de la chanson, avant l’arrivée des écoles du cirque. C’était sauvage : la grande famille du cirque n’existait pas. C’était chacun pour soi, on prenait beaucoup de risques en se battant pour être payé… Ma famille est peu venue me voir, j’étais dans un autre monde. Puis mon père est mort. Mon partenaire m’a quittée deux jours après son enterrement : je n’avais plus de maison, plus de boulot, plus de mec, plus de père. 

    Au début des années 1970, je me suis donc retrouvée à faire la manche sur le boulevard Saint-Germain en faisant mon numéro sur le trottoir tout près du funambule Philippe Petit qui faisait la manche du côté de la rue de Buci. Mon oncle Jean Babilée et le metteur en scène Jean-Marie Simon avaient le projet de monter L’Histoire du soldat de Ramuz et Stravinski : Jean Babilée jouait le diable, sa fille Isabelle, ma cousine, la princesse. C’était très émouvant de les voir ensemble. Mon oncle m’a vue faisant la manche, et m’a fait engager pour faire la parade avec les musiciens, jongler avec des torches enflammées coiffée d’une grosse perruque noire, hirsute, mais aussi pour aider à ses changements de costumes.

    C’était au Théâtre de la Tempête de Jean-Marie Serreau à la Cartoucherie de Vincennes où était aussi installé le Théâtre du Soleil d’Ariane Mnouchkine. J’arrivais en avance à la Cartoucherie pour répéter le fil et le jonglage. C’est là que j’ai rencontré le Théâtre du Soleil, qui jouait 1789. Formidable. Ils m’ont invitée à monter sur scène avec eux pour faire la fête de la Bastille : je gardais mon costume de L’Histoire du soldat, et passais donc d’un théâtre à l’autre. Il y avait des grands, des vieux, des jeunes, des nains, des géants… Ils avaient des têtes extraordinaires et j’ai eu envie de faire partie de ces monstres ; je me disais "c’est là que je dois être".
    Alors Ariane Mnouchkine, que je n’avais pas encore identifiée, m’a conseillé de racoler les gens de la queue qui n’avaient pas pu avoir de place pour 1789, afin de les enjoindre à venir voir plutôt L’Histoire du soldat ! Debout sur une caisse, je criais : "De 1789 à 1914, il n’y a qu’une station : venez voir L’Histoire du soldat". Après trois mois, la troupe du Théâtre du Soleil est partie en tournée. C’était triste. Nous sommes aussi partis en tournée dans le sud avec L’Histoire du soldat. J’ai appris plus tard que Philippe Caubère était dans le public de notre représentation à Aix-en-Provence. 

    De retour à Paris à la fin de la tournée, j’ai recommencé à jongler sur le boulevard Saint-Germain, jusqu’à ce qu’Ariane Mnouchkine m’appelle pour remplacer des membres de la troupe, victimes d’une épidémie d’hépatite virale, pour jouer 1789 à la fête de l’Huma. Après la représentation, j’ai dit à Ariane que j’avais envie de rester : elle m’a gardée.
    Je savais qu’avec elle j’apprendrais quelque chose qui donnerait un nouveau sens à ma vie. C’était le théâtre que je cherchais ! J’étais au bon endroit au bon moment. Ariane Mnouchkine détenait une autorité sous laquelle j’étais heureuse de jouer. Elle était l’ordonnatrice des jeux, donnait des contraintes, ça m’allait. Je me fichais d’avoir mon nom sur les affiches : on s’amusait, on apprenait, et on était payé pour ça. C’était le théâtre tel que je ne pouvais pas mieux le rêver, même si j’avais un faible pour les vraies belles salles de théâtre rouges de mon enfance comme celle du Théâtre des Champs-Élysées et du Grand Théâtre de Bordeaux, ou de l’Athénée aujourd’hui… Car la Cartoucherie de l’époque ressemblait davantage à un camp de concentration qu’à un théâtre, avec ses rails et ses baraquements…

    C’est ainsi que nous avons repris 1789 pour une tournée triomphale. Un soir de relâche à Villeurbanne, où nous jouions au Théâtre National Populaire invités par Roger Planchon, nous avons vu débarquer Philippe Caubère et ses compagnons venus jouer La Commune de Paris sous notre chapiteau de 1789 secoué par une tempête.

    Ariane Mnouchkine a été séduite, et il a intégré le Théâtre du Soleil avec deux compagnons pour la nouvelle création de 1793.
    Puis, après trois mois d’improvisations et de répétition, j’ai été virée. Je n’étais pas comédienne. J’ai cru que j’allais mourir. Avec Philippe, on ne se voyait plus, non plus… Mais Ariane qui s’ennuyait pendant les représentations avait bientôt organisé des séances de travail avec les "virés" dans l’atelier des décors. Et ma chance est revenue avec le tournage de 1789, le retour de mes amours et surtout le projet de L’Âge d’Or. »


    Pour voir Clémence Massart dans L’Asticot de Shakespare et Philippe Caubère dans Le Bac 68 ou La Danse du diable, c’est jusqu’au 20 novembre à l’Athénée !

    Bon week-end.

    Clémence Hérout

  • Le théâtre est un sport de combat • Entretien




    Hier soir, c’était la première de La Danse du diable, un spectacle écrit et interprété par l’acteur Philippe Caubère.
     
    Comme le veut la (toute nouvelle) tradition, je suis allée l’embêter dans sa loge une heure avant le spectacle pour une interview diffusée en direct sur le réseau social Périscope.
     
     
    Nous avons parlé de son habillage avant l’entrée en scène, des similitudes entre le théâtre et la boxe, et des quelques vieux qui viennent le voir jouer (mais oui, je suis sûre qu’il ne parlait pas de vous).

    La vidéo de notre entretien dure quatre minutes :

    Si vous ne voyez pas la vidéo, elle est ici sur YouTube : https://youtu.be/qhiR1MM-r7o

     
    La Danse du diable se joue en alternance avec Le Bac 68 jusqu’au 20 novembre, pendant que Clémence Massart donne L’Asticot de Shakespeare dans la petite salle juste au-dessus. Bonne fin de semaine !
     
    Clémence Hérout

  • Examen en perspective • Perspective





     
     
     
     

  • Tout le monde l'appelait Bébé • Entretien




    Hier, il y avait deux premières à l’Athénée : Le Bac 68 par Philippe Caubère dans la grande salle, et L’Asticot de Shakespeare de Clémence Massart dans la salle Christian Bérard.

    L’Athénée est présent cette année sur Périscope, un site qui permet de diffuser de la vidéo en direct.

    C’est ainsi que, juste avant la représentation de L’Asticot de Shakespeare, Clémence Massart nous a accordé une mini-interview filmée retransmise en direct et dont je vous propose un extrait de deux minutes où elle explique pourquoi elle aime jouer dans la salle Christian Bérard, qu’elle a rencontré (Christian Bérard, pas la salle).



    Je ne peux malheureusement pas vous mettre l’intégralité de l’entretien en raison d’un problème technique que je ne préfère pas vous détailler parce que les gros mots, c’est mal.
    Si vous ne voyez pas la vidéo, elle est ici sur YouTube : https://youtu.be/f4GiQwNqK8E




    Et juste après la représentation du Bac 68, c’était au tour de Philippe Caubère de nous consacrer quatre minutes en direct où il nous exposait entre autres ses impressions après avoir été comparé à « Gérard Depardieu en moins bourré ».

     
    Si vous ne voyez pas la vidéo, elle est ici sur YouTube https://youtu.be/uygZqNlRIMc.
     

    Philippe Caubère et Clémence Massart jouent jusqu'au 20 novembre 2016 à l'Athénée. À très vite ! Bon mercredi.
     

    Clémence Hérout

  • J'ai beaucoup comparé mes pièces avec mes rêves • Entretien




    Bonjour à tous,

    Suite à une mise à jour de notre fichier, il se peut que vous receviez le billet du blog de l’Athénée Théâtre Louis-Jouvet pour la première fois : bienvenue ! Le blog existe depuis 2008 pour documenter la vie des coulisses du théâtre. Animé en textes, vidéos et photos par Clémence Hérout et en dessins par Le Tone, il suit un rythme de parution en fonction des spectacles.

    S’il vous contrarie déjà, il faut cliquer sur le lien tout en bas de cet email (« pour vous désinscrire, cliquez ici ») pour vous enlever de la liste (snuirf). Dans le cas contraire, nous sommes ravis de vous embarquer avec nous ! 
    Pour retrouver les billets parus sur la réouverture du théâtre, La Symphonie fantastique et les travaux de l’année dernière, c’est par ici http://blog.athenee-theatre.com.

    Philippe Caubère, qui jouera à partir de demain à l’Athénée sa Danse du Diable et Le Bac 68, nous a accordé une longue interview à découvrir en plusieurs parties. Voici la première, où il présente les deux spectacles.



    « – Vous êtes l’auteur et l’interprète de La Danse du Diable, créée en 1981, rejouée en 2014 et de nouveau sur les planches en 2016. Quelles différences entre les trois versions ?

    – C’est difficile à définir : le temps change les choses. C’est un spectacle physique, qui évolue donc en fonction de mon corps. Parce que le théâtre est vivant, le spectacle respire évidemment. Si les mots ont beaucoup changé au fil du temps, ils sont à peu près fixes désormais, d’où l’édition finale du texte aux éditions de l’Avant-Scène. Le texte est important, mais la façon dont on joue la pièce achève de l’écrire. À chaque fois que je le joue, c’est comme si je le revivais.

    En fait, votre question, c’est comme si l’on me demandait comment changent les relations avec les personnes dont on est amoureux. C’est toujours et jamais pareil, même si cela paraît contradictoire… C’est dans la nature d’une pièce de théâtre que le texte fixé change malgré tout chaque soir. Il s’agit ici en plus d’une pièce autobiographique jouée par son auteur, donc la relation avec le texte est presque d’ordre psychanalytique – un peu comme un rêve. J’ai beaucoup comparé mes pièces avec mes rêves, car c’est aussi faux et aussi vrai que des rêves. Je ne cherche pas à savoir ce qui change ou non, ni à connaître le nombre de personnages que j’interprète : je n’en sais rien et cela m’ennuie. Mais à chaque fois que je le rejoue, c’est comme un voyage.

    Ce qui change tous les jours en revanche, ce sont les spectateurs : je ressens une affinité extrême avec le public qui imprime sa marque, son influence et fait que ce qui se passe entre le public et l’acteur est à chaque fois différent. C’est pourquoi le sentiment qu’une représentation est la même que celle de la veille ne pardonne pas.



    – Pouvez-vous expliquer en quoi Le Bac 68 est une adaptation d’une scène de votre cycle L’Homme qui danse ? [L’Homme qui danse est un cycle en plusieurs épisodes : Claudine, Le Théâtre, Octobre, Avignon, Ariane et Ferdinand, NDLR]

    – Le Bac 68 est une scène du deuxième spectacle. Je voulais rejouer cette scène qui s’appelle Le Bac. Je joue comment je me souviens avoir passé le bac en 1968 et comment cela me plaît de m’en souvenir. J’avais très envie de rejouer cette scène car elle est surréaliste, d’une nature comique différente du reste, moins satyrique. Mais comment faire sans reprendre toute la pièce ? J’ai repris cette scène et complété le texte pour enrichir cet épisode.

    Dans deux tiers du Bac 68, on voit la mère qui supplie son fils de passer le bac ; l’autre tiers, c’est le bac lui-même. Cela m’a permis de développer une sorte de chronique familiale française : Ferdinand parle de son père, de la guerre de 1914, de l’Occupation… Il s’agit d’éléments contenus en bribes dans la première version et que j’ai pu développer.
    J’ai failli choisir le sous-titre “Chroniques familiales”, mais j’ai finalement choisi “une comédie française”. De développer cette scène en la transformant en spectacle m’a permis de construire une histoire complète, de réaliser un petit roman français de 1914 à 1968.

    Une de mes motivations consistait aussi à mieux jouer La Danse du Diable, puis je me suis rendu compte que cela devenait un spectacle sur le bac : qu’est-ce que c’est que ce truc, ce truc qui ne sert à rien et qui polarise tant d’énergie, d’angoisse et d’espérance ? C’était amusant de montrer à travers le bac à quel point la société peut être aussi folle qu’un individu. C’est un passage symbolique, abstrait, au contraire du permis de conduire qui donne l’autorisation concrète de conduire une voiture.

    C’est en passant son bac que Ferdinand improvise pour la première fois, car il ne sait rien et doit faire semblant de tout savoir. Le fait qu’il doive tout inventer et que le spectacle soit bâti sur de l’improvisation offre une double improvisation totalement burlesque et étrange. C’est ainsi que cette scène est devenue un spectacle indépendant de par son thème et sa structure. »


    La suite de l'entretien paraîtra bientôt sur le blog. En attendant, Philippe Caubère commencera demain son Bac 68 dans la grande salle avant une alternance avec La Danse du diable, pendant que Clémence Massart jouera son Asticot de Shakespeare en salle Christian-Bérard. On espère vous voir aux premières demain !

    Bon lundi.

    Clémence Hérout

  • Ce diable de mai 1968 • Perspective








     
     
     
     


  • Tout ce que vous avez raté (ou presque) • Coup de théâtre




    On vous avait promis un week-end fantastique pour la réouverture de l’Athénée après un an de travaux : on ne vous avait pas menti.

    Il y a eu la réinterprétation excitante de La Symphonie fantastique par Le Balcon,

    une arrivée littéralement en fanfare,

    un bis héroïque,

    des bars cachés partout,

    une boîte de nuit au dernier étage,

    un studio photo juste en-dessous,

    une dédicace de CD,

    un quizz musical complètement barré,

    des gens dansant dans le parterre de la grande salle au son des cuivres,

    un clip tourné dans la rue

    et des interviews à base de bière.

     

    Pour la première fois, l’Athénée Théâtre Louis-Jouvet était aussi présent en direct sur le réseau Périscope, où vous pouviez voir ce qui se passait au Théâtre en temps réel.

    Si vous n’étiez pas là, ou que vous étiez là mais que vous avez envie de revivre cette soirée fantastique, voici un montage des vidéos diffusées en direct sur Périscope : c’est à regarder à ce lien (ou sur celui-là).

    Pour les plus courageux (ou les retraités) toutes les vidéos du direct sont aussi disponibles ici : https://www.periscope.tv/theatreathenee

     

    Bisous bisous, et à très vite pour la suite avec Philippe Caubère et Clémence Massart !

    Clémence Hérout


  • Champaaaaaaagne !!! • Pleins feux




    Quand je suis passée à l’Athénée hier, Florent Derex du Balcon « cherchait ses petits ».

    (excusez-moi)


    Bon en fait, les petits de Florent, c’est plutôt ça :


    Ou ça.


     
    Parce que Florent Derex s’occupe de la projection sonore de La Symphonie fantastique :


    dans la version du Balcon recréée par Arthur Lavandier (si vous avez raté un épisode, c’est par là), chaque musicien est en effet sonorisé individuellement.


     
    Le violoncelle n’a pas le même micro que le piano, qui n’a pas le même micro que la trompette, qui n’a pas le même micro que la clarinette.
    Les micros choisis par Florent et son équipe dépendent de l’instrument, mais aussi de sa place dans l’orchestre et des instruments autour : il y a évidemment des micros plus adaptés à la voix et d’autres aux timbales, et chaque micro possède sa directivité (entre autres, parce qu’on m’a sans doute épargné beaucoup de détails à base de courbe de réponse en fréquence et de pression acoustique), c’est-à-dire que l’un va capter le son à l’avant mais pas à l’arrière, l’un uniquement sur ses côtés, l’autre sur 360 degrés…


    C’est ainsi que, lorsque Florent sonorise une trompette, il fera en sorte que le micro ne capte pas le son du tuba avec.


      

    Le son enregistré de chaque instrument est évidemment rediffusé dans la salle : vous verrez donc ces deux lines array en haut de la cage de scène, que l’on réserve habituellement plutôt aux concerts de rock.


     
    Il s’agit d’enceintes empilées qui envoient le son frontalement et non en sphère. La forme en grappe permet de couvrir la salle de manière homogène, ce qui n’est pas évident dans un théâtre à l’italienne.

    Si vous êtes observateur, vous apercevrez aussi dans la salle une multitude de petites enceintes très discrètes, parce qu’elles sont assorties au théâtre : elles diffusent de la réverbération qui vous enveloppera dans le son.
     


     
    Quant à Augustin Muller, qui porte un tee-shirt « j’aime beaucoup ce que vous faites », il est en charge de l’informatique musicale : c’est lui qui intervient dès qu’il y a besoin d’informatique dans la musique (vous êtes bien avancés). Il est créateur sonore et responsable des spatialisations sonores complexes. Pour La Symphonie fantastique, il est intervenu sur les effets sonores et les sons de synthétiseurs.
     


    Sinon, il faut vous imaginer que, pendant toute cette conversation, on a vu un fleuriste se balader avec des bouquets de fleurs, Aline épousseter la balustrade, Dominique passer les sièges en revue, un peintre faire les dernières retouches pendant qu’un autre terminait les indications, et des ouvriers accrocher la signalétique.



     
     
     
     

    Mais on sera prêts pour vous accueillir ce soir, en espérant que vous resterez aussi après le concert pour la fête orchestrée par Le Balcon : à ce soir pour notre réouverture fantastique !
     
    Clémence Hérout

  • Tu vas te faire appeler Arthur • Entretien




    Arthur Lavandier a moins de trente ans : c’est lui qui a transcrit / réorchestré / arrangé / réécrit (bref, vous verrez) la Symphonie fantastique de Berlioz dont je vous parlais hier et que vous entendrez samedi et dimanche pour la réouverture de l’Athénée. Il a bien voulu nous raconter comment il travaille :
     
    « — Peux-tu expliquer comment tu as travaillé concrètement ? Tu es parti de la partition de Berlioz avant d’ajouter, réécrire, couper… Ou tu as écouté Berlioz avant d’écrire complètement autre chose  ?
    — J’ai d’abord longuement regardé la partition d’origine et beaucoup écouté la Symphonie, dans des versions différentes. J’ai ensuite essayé de dégager des grandes idées d’arrangement en me servant de l’argument littéraire de la Symphonie comme base de réflexion : c’est ainsi l’idée du décalage qui a guidé mon travail. J’aime bien commencer à écrire assez rapidement, à tout de suite entrer dans la partition et, une fois les doigts dedans, beaucoup jeter, transformer, partir dans des extrêmes… J’ai travaillé sur les mouvements dans l’ordre, avec des allers-retours constants entre Maxime Pascal [le directeur musical du Balcon]. Une fois la direction artistique définie, beaucoup de choix comme la guitare électrique, les sons synthétiques ou les instruments amateurs se sont facilement imposés. Il faut aussi préciser que le projet est né de Bruno Messina [qui, en tant que directeur du Festival Berlioz, a commandé cette version de La Symphonie fantastique], Maxime Pascal et moi-même : il s’agit donc d’un arrangement que j’ai écrit, mais que je n’ai pas fait tout seul.
    L’effectif est très différent de celui souhaité par Berlioz : il est similaire car organisé sur scène de la même manière avec les cordes devant et les percussions derrière en gros, mais très différent car j’ai ajouté des instruments et choisi de mettre un soliste par instrument. Une importante partie du travail a consisté à régler cette distance par rapport à l’original en termes de sons, de timbres… Avec cette question centrale : est-ce que j’essaie de créer un son qui ressemble au son original ou est-ce que je vais ailleurs -et, dans ce cas, très loin ailleurs ? Si j’essaie de me rapprocher du son original, est-ce que j’utilise des effets pour faire masse, ou est-ce je choisis le parti de la musique de chambre ? Toutes ces questions se sont posées régulièrement et ont influencé le choix des instruments ou leur quantité, par exemple.
    J’ai aussi réalisé des choix plus radicaux en coupant des passages de Berlioz pour en ajouter à moi, car je trouvais que cela fonctionnait beaucoup mieux par rapport à l’arrangement que j’étais en train de faire. Le dialogue avec l’œuvre de Berlioz était constant : je ne pouvais pas m’en détacher complètement, même dans la partie la plus libre de la création. C’est sans doute dû au fait qu’il s’agit d’une œuvre étonnante, puissante, très à part, et avec laquelle j’entretiens un certain rapport de fascination.
     
    — En quoi considères-tu la Symphonie fantastique comme une œuvre à part ?
    — C’est une symphonie qui arrive très tôt dans le 19e siècle et fait appel à des effets que l’on retrouvera plus tard dans l’orchestre (ou alors bien plus tôt dans l’histoire de la musique) : notamment le fait de considérer l’orchestre comme un espace, c’est-à-dire avec des distances, mais aussi comme une scène de théâtre. L’œuvre symphonique n’est pas seulement conçue comme de la musique pure et a des liens avec le théâtre. La Symphonie fantastique raconte en effet une histoire, mais les effets instrumentaux, la masse orchestrale ou la construction de l’œuvre expriment également des aspects dramatiques à l’époque réservés à l’opéra. Berlioz ouvre le concert vers autre chose.
    C’est en outre un geste de jeunesse : il n’a pas encore trente ans et n’a qu’une dizaine de pièces derrière lui. Cette partition est le témoignage d’un souffle créatif très puissant, surtout à l’époque. Berlioz a ouvert beaucoup de portes, posé des questions, créé un espace de liberté -il ne suit d’ailleurs pas certaines règles qu'il s’était pourtant fixées, et fait preuve d’une grande irrévérence sur les plans techniques, harmoniques, mélodiques, orchestraux…
     
    — Pourquoi sortir le son de l’orchestre au quatrième mouvement ? [vous comprendrez ce week-end]
    – Sortir le son de l’orchestre en faisant en outre appel à un ensemble amateur [qui sera à l’Athénée l’Académie de musique de rue Tonton a faim] s’est fait naturellement : cela fonctionne dramaturgiquement, car le personnage est amené à l’échafaud par un orchestre militaire. Le travail avec des amateurs est également partie intégrante de l’engagement du Balcon et de Maxime Pascal, qui dirige aussi un orchestre amateur qui s’appelle l’Impromptu.
     
    – Peux-tu en dire davantage sur le cinquième mouvement ? Dans un texte de présentation, tu as écrit que ce mouvement, c’était « tout en même temps »…
    – Chaque mouvement pose un degré supplémentaire de distance par rapport à l’oeuvre originale. Le premier mouvement est très proche de la musique de Berlioz, le deuxième navigue de style en style, le troisième s’accorde beaucoup de libertés harmoniques et s’éloigne de l’original, et l’orchestre change au quatrième. Je ne rajoute pas de palier dans le cinquième mouvement, mais je me permets tout ce que je ne me suis pas permis avant, aussi parce qu’il raconte une fête macabre et hallucinée.
     
    — Est-ce que tu as senti des résistances au projet dans le milieu de la musique classique  ?
    — S’attaquer au méga tube de Berlioz expose évidemment aux critiques. J’avais naturellement peur de me faire crucifier par le public du festival Berlioz où a été créée l’œuvre, mais me suis posé aussi un certain nombre de questions : qui suis-je par rapport à Berlioz pour me permettre un tel travail ? Suis-je en train de faire une énormité sans m’en rendre compte ?
    Nous n’avons finalement eu que des bons retours, car je crois que nous sommes restés dans l’esprit berliozien : on nous a aussi dit que Berlioz aurait sans doute aimé cet arrangement. C’est enfin un projet vivant, que nous avons envisagé comme une fête : le rapport avec l’œuvre tient du respect, mais aussi de la convivialité et du partage très fort. L’œuvre s’ouvre du fait qu’elle est divertissante et que nous avons travaillé avec un orchestre amateur. On le ressent à chaque fois qu’on joue : il y a une joie communicative, l’ambiance dans la salle est géniale. C’est cela que nous avons cherché à faire. »
     
     
    Venez danser au son de la Symphonie fantastique dans une salle sans sièges samedi et dimanche : pour les places debout, tarif spécial de 10 € en vente le jour même 1h avant le concert. Il reste encore quelques places assises disponibles à la réservation. À samedi !
     
    Clémence Hérout

  • C'est fantastique • Perspective




    Tourné en pleine Occupation, le film La Symphonie fantastique de Christian-Jaque raconte la vie d’Hector Berlioz avec Jean-Louis Barrault dans le rôle-titre, mais aussi Bernard Blier, Lise Delaware et Renée Saint-Cyr.
     
    Après s’être fait renier par sa mère (en toute simplicité, à base de « tu es mort pour nous », « ma malédiction te suivra partout » et « nous n’avons plus d’enfant ») et repousser par l’actrice irlandaise dont il est tombé amoureux après l’avoir vu jouer à l’Odéon mais qui, elle, ne l’a pas remarqué (et on peut la comprendre), le personnage de Berlioz commence à composer sa Symphonie fantastique dans cette scène hallucinée, suivie de sa réception chez des éditeurs peu séduits.



    Si vous ne voyez pas la vidéo, retrouvez-la ici sur YouTube :
    https://youtu.be/EAgdF-rLHxs?t=26m30s

     
    Nous sommes en 1830 : Hector Berlioz a moins de trente ans, il vient d’abandonner ses études de médecine et n’a composé qu’une dizaine d’autres œuvres. Comme Le Tone vous l’a raconté la semaine dernière, La Symphonie fantastique est teintée de théâtre puisqu’il suit une histoire, que Berlioz avait fait publier séparément quelques jours avec sa première audition.
    Un jeune musicien tombe amoureux d’une femme et se laisse aller à ses rêveries. Partout où il se rend, la pensée de sa bien-aimée s’impose à lui. Un soir, alors qu’il se promène dans les champs, son idée fixe trouble une jolie scène pastorale. Le musicien rêve ensuite qu’il a tué cette femme et qu’on le mène à l’échafaud : il s’imagine enfin à ses propres funérailles où se déroule un sabbat.
     
    De cette influence du théâtre dans la musique de Berlioz, le compositeur Paul Dukas écrit dans La Revue Hebdomadaire en 1894 : « La première conviction qui s’impose après l’audition de la musique de Berlioz, quel que soit le sujet auquel elle s’applique, quelle que soit la forme particulière qu’elle revête, c’est celle de la nature dramatique du style de son auteur. Tout, avec Berlioz, […] devient drame. […] Une telle compréhension de la musique est avant tout dramatique, et l’on peut dire que Berlioz est compositeur dramatique, même quand il n’écrit pas pour la scène. »
     
    Si la puissance expressive de La Symphonie fantastique fait en grande partie son caractère singulier, il faut y ajouter son souffle mélodique, sa créativité rythmique et son exploitation complète des possibilités des instruments de l’orchestre.
    C’est ainsi que le compositeur Edgard Varèse déclarait par exemple « Berlioz est le créateur de la symphonie dramatique et l’inventeur de l’orchestre moderne. S’il vivait aujourd’hui, il serait certainement un des premiers à déplorer la stagnation de la musique et à vouloir de nouveaux instruments et de nouveaux moyens sonores » (cité par Fernand Ouellette).
     

     
    C’est la raison pour laquelle on peut imaginer que Hector Berlioz ne renierait pas la transcription/réorchestration/arrangement de sa Symphonie fantastique par Arthur Lavandier, qui d’ailleurs a moins de trente ans lui aussi.
    On espère vous voir samedi ou dimanche pour fêter la réouverture de l’Athénée et découvrir cette version inédite de La Symphonie fantastique !
     
    Bonne journée
     
    Clémence Hérout
     
     
    Sources
    La Symphonie fantastique, film de Christian-Jaque sorti en 1942
    Paul Dukas, Roméo et Juliette d’Hector Berlioz, Revue hebdomadaire no 31, décembre 1894
    Fernand Ouellette, Edgard Varèse, éditions Seghers, Paris, 1966.
    Article consacré à Berlioz dans Guide de la musique symphonique, François-René Tranchefort (direction), Fayard, Paris, 1986.

  • La Rentrée Fantastique • Pleins feux





     
     

     
     
     

  • Tu reviendras me voir ? • Coup de théâtre




    Pardon si je te tutoie : on commence à se connaître, même si tu es nombreux. La saison passée, tu as suivi sans broncher mes histoires d’agrandissements de fosse, de sectionneur porte-fusibles, de discontacteur-inverseur et même de pièges à son (ceux de ma clim’).
     
    Je me suis souvent senti vide et seul, quand je n’avais pas le ventre en vrac. Engoncé sous les échafaudages et privé de mes fauteuils qui s’étaient fait la malle, j’étais aussi dépeuplé d’une bonne partie de mes lutins habituels. Je broyais du noir, et je ne parle pas que des coupures d’électricité.
     
    J’ai poursuivi ma mue dans l’espoir que tu reviennes. Si mes fauteuils ne sont pas encore rentrés, mes petits lutins sont désormais presque au complet : ils t’attendent dans dix jours pour une fête de réouverture et un concert debout dans la fosse autour de La Symphonie fantastique de Berlioz par l’orchestre Le Balcon.
     
    Je n’ai pas réussi à me débarrasser complètement de mes lutins du blog, qui sont décidément bien collants, mais ils ne seront plus tous les jours dans mes pattes : un peu avant chaque première, Le Tone dessinera l’histoire des œuvres programmées chez moi.
     
    Clémence Hérout consacrera quant à elle une enquête sur un thème propre à chaque spectacle en les publiant en plusieurs fois selon un calendrier moins régulier que les années précédentes. Par exemple, pour les concerts qui auront lieu les 24 et 25 septembre, elle te parlera de La Symphonie fantastique de Berlioz et de ce que les musiciens du Balcon en ont fait.
     
    Ce qui est sûr, c’est que Clémence sera aussi à chaque première sur Périscope : si tu es aussi vieux que moi, tu as besoin qu’on t’explique que Périscope est un réseau sur internet où les gens diffusent des vidéos en direct : un peu comme de la télévision, mais sans Cyril Hanouna (tu verras, c’est mieux).
    Avant chaque première, tu pourras te connecter avec ton ordinateur ou ton éventuel téléphone intelligent sur la chaîne Périscope de l’Athénée (c’est ici https://www.periscope.tv/theatreathenee/) pour passer quelques minutes en direct avec Clémence et les artistes.
     
    J'espère te revoir bientôt. 

    Ton bien dévoué
    Athénée Théâtre Louis-Jouvet, avec l’aide de Clémence